L'enragé'

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jeudi 1 juillet 2010

Siva est de retour dans son pays

Siva est sorti libre du tribunal de Meaux, où il était jugé hier pour refus de déportation.

Il a été déclaré coupable d'avoir, le 23 juin, dit la vérité au pilote qui lui demandait s'il prenait l'avion de son plein gré. Il a été déclaré coupable d'avoir, le 29 juin, eu besoin de soins urgents suite à un geste de désespoir.
Et bien sûr, il a été déclaré coupable de ne pas avoir de papiers l'autorisant à résider dans son pays.

Pour ces faits, le tribunal l'a condamné à une amende, lui laissant la possibilité de faire réexaminer sa demande de régularisation, étayée par de nouveaux éléments.

Très affaibli après 33 jours de captivité et de mauvais traitements, il a boitillé au soleil avec un sourire incrédule, savourant ce bien ordinaire et précieux : sa liberté. Puis il est rentré chez lui, à Besançon.

Siva est libre, mais toujours sans papiers, sous le coup d'une OQTF. Son sort est toujours entre les mains de Nacer Meddah, le préfet qui s'est montré jusqu'à présent acharné à le faire expulser.

Son histoire ne s'arrête pas là. Notre soutien non plus ne s'arrêtera pas là !

jeudi 24 juin 2010

Notre travail ? Illes ne le méritent pas !

Ce fameux "droit au travail", illes veulent en faire un privilège, illes veulent qu'on le désire et qu'on soit prêt's à tous les sacrifices pour ne pas "finir" au chômage.

Nous faire travailler plus et plus longtemps, fabriquer de la misère de sous pour celleux qui ne travaillent pas et de la misère humaine pour celleux qui s'échinent...

Et puis quoi encore ?

Il y a 31h hebdo de travail par tête de pipe (dont une bonne part de travail artificiel et improductif, mais bon une chose à la fois). Le travail est rare ? Travaillons moins, et ce sera le travailleur' qui sera rare !

Réduisez tout !

Votre temps de travail, votre salaire, votre consommation... et gardez le temps de vous faire de la bonne bouffe pas chère, de fabriquer, récupérer, échanger les choses dont vous avez besoin, et de cracher sur le reste. Gardez le temps de vivre !

En tenant compte de celleux qui ne suivront pas ce conseil, mettez-vous carrément à mi-temps. Quoi qu'il arrive, refusez de dépasser 35h.

Quoi votre patron' ? Si ille est fâché', c'est que vous faites le bon choix. Si ille vous fait peur, c'est qu'il est grand temps de réagir !

Siva est toujours "retenu" au CRA, en instance d'expulsion

Siva Sivasankaran, le jeune indien informaticien et vendeur de roses à Besançon, n'a pas été expulsé en Inde ce matin car il a réussi à refuser l'embarquement. Il risque d'être mis dans un autre avion demain matin ! Il est pour l'instant au CRA du Mesnil-Amelot. Le billet précédent donne un aperçu des conditions de sa "rétention".



Soyons solidaires de Siva !

Nouveau rassemblement

jeudi 24 juin à 17h30

devant la préfecture
8 bis rue Charles Nodier à Besançon

Le préfet du Doubs doit suspendre sa décision de l'expulser car des éléments nouveaux lui ont été transmis ce mercredi soir qui contredisent complètement les arguments qui justifiaient, à ses yeux, la mesure d'expulsion !
Nous exigeons donc du préfet de Franche-Comté qu'il sursoie immédiatement à toute tentative d'expulsion de Siva et qu'il reçoive les personnes qui veulent lui confirmer leur témoignage.

Vous pouvez appuyer cette demande en écrivant aux adresses suivantes :
Préfet : prefet@doubs.pref.gouv.fr
Secrétaire général : pierre.clavreuil@doubs.pref.gouv.fr
Réglementation du Doubs : jean-pierre.lesenechal@doubs.pref.gouv.fr
Directrice du bureau des étrangers : dominique.jon@doubs.pref.gouv.fr

Sources : site et mail d'information de RESF, blog de soutien à Siva

Le CRA du Mesnil-Amelot

Voici quelques témoignages de personnes "retenues" au CRA Mesnil-Amelot.

21/06/2010

Lors d'un coup de téléphone hier au centre de rétention du Mesnil Amelot, des camarades ont appris qu'une grève de la faim y avait commencé (ci-dessous, le témoignage fait hier à cette occasion). Ce soir, la contestation s'amplifie. On leur a servi de la bouffe périmée, une omelette préparée le 14, dépassée depuis le 17 ! Les retenus ont discuté ce soir et veulent tous se mettre en grève de la faim. Ils ont appelé un journaliste du parisien. Un deuxième coup de fil nous apprend que de nombreux retenus sont malades : "La moitié du centre est par terre, on refuse de rentrer dans les chambres, on fait une manifestation."

dimanche 20 juin 2010

"Moi je m'en fous, je connais le chemin pour revenir. J'ai encore vingt ans. Je suis jeune, mais j'ai de l'expérience, j'ai traversé la mer Méditerranée plusieurs fois, je suis allé en prison, j'ai fait les 400 coups comme vous dites ici en France. Ça fait depuis le 22 mai que je suis là, je suis le plus ancien, il me reste trois jours à tenir ici. Je sors de la prison, je fais la double peine. Ils sont venus me chercher à l'intérieur de la prison pour me ramener ici.
Ils ont des doutes sur mon origine. À chaque fois que je me fais arrêter, je leur donne un nom différent. Quand je suis passé chez la juge, elle avait un dossier de 200 pages. Elle m'a dit « C'est qui tout ces noms ? », je n'ai rien trouvé à lui dire. Elle m'a demandé de quelle origine je suis, je lui ai dit du Maghreb United. Ils m'avaient mis sur un vol pour l'Algérie, le consul a donné un laissez-passer, après j'ai dit que je préférais revenir dans mon pays d'origine, mais pas en Algérie, parce que là-bas, ils mettent en prison. Je suis parti voir le chef du centre, je lui ai expliqué que j'étais pas Algérien.
Ils veulent envoyer les Marocains en Algérie et les Algériens au Maroc. Le consul d'Algérie, même si vous êtes Français, il vous donne un laissez-passer, ce qui l'intéresse, c'est les 300 euros. Le consul Marocain, il fait plein de promesses, il jure qu'il va aider si on lui dit la vérité. Et en fin de compte, ceux qui disent la vérité, il leur fait le laissez-passer. La Cimade, ils disent rien du tout. Je vois pas comment ils pourraient aider les gens à part faire des rappels. Ils donnent des conseils, ils écrivent des lettres, mais voilà, ils ont pas le pouvoir de sortir les gens d'ici. Mais la Cimade, je les apprécie bien, ils m'ont aidé.

Entre nous on se soutient, mais il y a pas beaucoup de solidarité. Tout à l'heure, y a le gendarme qui a commencé à me pousser, j'ai appelé les gens pour qu'ils viennent avec moi, mais y a personne qui voulait venir, j'étais tout seul. Je suis maltraité, ils ont été violents, ils m'ont poussé et je suis pas le seul, ils font ça avec tout le monde.
On peut fumer, toute la drogue rentre ici. Les flics le voient et s'en foutent, du moment qu'on s'enfuit pas, on fait ce qu'on veut. Ils donnent pas bien à manger, ils traitent mal, ils tutoient les gens.
Ils nous droguent. Ils droguent toute la nourriture, donc tous les retenus. Ils nous mettent des gouttes pour qu'on dorme : dès qu'on mange, on est fatigué. J'ai commencé à prendre des médicaments alors qu'avant j'en prenais pas. Du rivotril, et le soir, les gouttes. Je me suis plaint, alors ils m'ont emmené chez le psychiatre. Je lui ai parlé normalement, il m'a juste répondu « je suis pas dealer » et m'a rajouté des gouttes pour aller dormir.

Il y en a plein qui font des tentatives de suicide. Deux fois j'ai failli mourir ici, j'ai fait deux tentatives de suicide. Je suis pas le seul, hier y a une personne qui s'est pendue, elle est partie à l'hôpital et on n'a pas de nouvelles depuis. En plus, pour l'emmener dans l'avion, ils lui ont anesthésié les mains, deux piqûres, il pouvait pas les bouger. Il criait dans l'avion, donc le pilote est sorti et a dit qu'il l'acceptait plus. Quand il est revenu, il s'est pendu. On n'a plus de nouvelles de lui. Il respirait très mal. Ça fait 18 jours qu'il est là.

Y a des gens qui font une grève de la faim, ça fait quatre ou cinq jours. Ils doivent être une cinquantaine. Ils boivent de l'eau, ils sont mal en point. Y a des médecins, mais si vous allez les voir, ils vous donnent des médicaments pour aller dormir. Ils nous droguent, ils mettent ça dans le café. Tu commences à perdre la raison après.

On est 100 dans le centre. On communique avec tous les bâtiments jusqu'à 20h30, après ils ferment les portes, y a plus de cour commune. On est trop nombreux. Des gens dorment là où y a la télé, d'autres dorment par terre, y en a même qui n'ont pas de matelas et dorment sur des couvertures. Y a des gens qui ont été ramenés en bleu de travail, direct des chantiers.
Vous voulez vous plaindre à qui ? Le chef, je l'ai vu dix fois. Il est gentil, mais il peut rien faire. Si il faut faire quelque chose, je suis le premier à foncer tête baissée, parce que ça va pas pour les gens qui se trouvent ici."

21/06/2010, 23h

Je viens de téléphoner à une cabine.
Le retenu qui a répondu m'a dit qu'un retenu s'était mutilé les veines et le ventre avec une vitre, qu'il a été emmené et qu'ils sont sans nouvelles de lui ; que les retenus sont malades (vomissements, graves maux de ventre) suite à l'absorption de nourriture périmée (omelette) et qu'aucun soin ne leur est apporté.
Il m'a dit sur lui-même qu'il a fait un refus d'embarquement, qu'il a entendu parler de piqûres qui pourraient être faites aux bras la prochaine fois, qu'il est marié à une femme de nationalité française qui est enceinte de jumelles/jumeaux.

21/06/2010, 23h45

Première personne : "S'il vous plaît on va mourir ici tout le monde. Y'a vingt personnes, ou plus, qui ont mangé quelque chose de pas bon. Mais à ce numéro sa femme va l'appeler, il faut raccrocher."

À l'autre cabine, ils sont plusieurs à se relayer : "On nous a donné des trucs qui sont périmés, après on est tombés tous malades ici, mais attends je te passe mon collègue lui aussi il va te dire".

"Ils m'ont donné de la bouffe vraiment périmée. Il y a plus d'une dizaine de personnes qui ont commencé à vomir, on est restés plus de deux heures sur le sol. Après, un médecin est venu. Et demain, on a parlé avec les gens, peut-être on va faire une grève de la faim".

"Aujourd'hui on a mangé une chose qui était périmée depuis le 17. Aujourd'hui on est le 21".

"On a vu que c'était périmé et les gendarmes qui étaient là ils n'ont rien voulu savoir, ils étaient indifférents. On a montré à la dame qui nous donnait à manger. Elle s'en foutait. Alors on a quand même mangé. Après on est sortis du réfectoire, on a commencé à vomir. On a attendu deux heures de temps. Le médecin a donné des cachets mais jusqu'à présent ça ne va pas".

"Même à côté, il y a plusieurs gars qui ont voulu se suicider. Hier matin il y a quelqu'un qui a bu une bouteille de shampooing. Et tout à l'heure il y en a un qui a déchiré son ventre. Mais c'est dans l'autre bâtiment, on ne peut pas voir."

"On a peur pour nous ici. On a déjà peur pour l'expulsion, maintenant on a peur pour notre vie. Les gens ont peur, Madame."

22/06/2010, 19h55

"On a eu de la nourriture périmée, une omelette et des tartelettes aux pommes. On est malades. on a eu une intoxication alimentaire.
On a peur, j'espère que vous êtes bien une association, on a peur des représailles, parce qu'il y en a qui ont parlé et on les a emmenés à l'avion.
Est-ce que vous pouvez nous aider, Madame ?
Hier soir, y en a un, il s'est blessé, il a failli se faire égorger ; ce matin, il a été évacué.
Est-ce que vous pouvez nous aider, Madame ? On est désespérés.
Aujourd'hui, un autre, il baignait dans son sang, il était par terre. Ils l'ont emmené à l'hôpital apparemment. Je ne sais pas s'il va revenir ou pas. ils l'ont évacué sur un brancard.
Il y a deux retenus qui ont promis de se blesser ce soir ou demain."

22/06/2010, 20h30

"Tous les jours il y a des suicides, Madame. Je vais me suicider le 28. ils ont affiché mon nom pour le 28. Je veux pas partir, Madame. Ça fait seize ans que je suis ici. J'aime la France comme mon propre pays. J'avais la moitié du corps paralysé hier soir. J'ai une sciatique. J'ai des problèmes psychologiques. J'ai demandé à voir un médecin, ils m'ont dit pas avant vendredi. J'ai commencé à faire une grève de la faim aujourd'hui. Je vais continuer demain. ils ont donné des trucs périmés hier soir. je vais me suicider ici ou là bas."

Source : liste de discussion RESF

Je ne vois rien à ajouter, du moins dans les limites toujours plus étriquées de la liberté d'expression légale, sauf peut-être cet extrait de la Convention internationale sur l'élimination de toutes formes de discriminations raciales (CERD) des Nations Unies, entrée en vigueur le 4 janvier 1969 et ratifiée par la France :
Dans la présente Convention, l'expression «discrimination raciale» vise toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, dans des conditions d'égalité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique.

et la définition internationale de crime pour apartheid comme :
tout acte inhumain de caractère analogue à d'autres crimes contre l'humanité commis dans le cadre d'un régime institutionnalisé d'oppression systématique et de domination d'un groupe racial sur n'importe quel autre groupe racial.
Les crimes d'apartheid énumérés sont le meurtre, l'esclavage, la privation de liberté physique, la réinstallation forcée, la violence sexuelle, la persécution individuelle et collective (résolution 3068 XXVIII de l'assemblée générale des nations unies du 30 novembre 1973).

Source : Wikipédia, articles CERD et Crime d'apartheid

samedi 19 juin 2010

Évolution de mon lexique

Mon lexique s'est encore étendu, je vous propose d'aller y jeter un coup d'oeil.

jeudi 10 juin 2010

Manifestation de soutien à Siva Sivasankaran : on est toujours là !

Vendredi 11 juin, toujours à 17h30
Devant la Préfecture du Doubs
8, bis rue Charles Nodier à Besançon

Signez la pétition de RESF.
Venez avec une fleur.
Venez avec une lettre au préfet.

Aux dernières nouvelles, Siva a rencontré le consul d'Inde, qui va décider de s'opposer ou non à son expulsion. Notre soutien peut peser dans cette décision. Il peut aussi faire fléchir le préfet. Enfin, il est important pour le moral de Siva, qui est très fatigué car il a peu dormi ces derniers jours, mais qui a pu faire transmettre ses remerciements à tou's celleux qui le soutiennent.

Transmettre à mon fils le respect de chacun

Monsieur le Préfet,

mon fils a douze ans.
Chaque jour, j'ai un peu plus honte de lui apprendre où va ce pays, dit "des droits de l'homme", dit aussi "terre d'accueil".
Chaque jour, son sens de la justice l'amène à exprimer des sentiments plus amers. J'en suis à lui rappeler que derrière leur uniforme, malgré leur choix de servir par la force une logique inhumaine, monstrueuse, ce sont des personnes, d'autres humains, qui lui donnent envie d'être grossier, voire violent, et que de tels actes ne seraient pas plus acceptables que ceux qu'ils acceptent de commettre.
C'est difficile, comprenez-le, d'expliquer à un enfant sensible et généreux, au bon sens non encore raboté par les lâchetés quotidiennes, qu'il faut se contenter de quémander ce que tout être humain devrait savoir qu'il doit à ses pareils et leur offrir spontanément.

Forcer aujourd'hui à quitter le territoire quelqu'un qui pourra de toutes façons y revenir, étant marié à une française, n'a aucun sens ; sauf peut-être celui de grossir un peu reluisant tableau de chasse.
En revanche, cette personne (que j'évite de nommer afin que ce courriel vous parvienne) vient de trouver un emploi en CDI.
Son voyage imposé vers un pays où plus personne ne l'attend, aura en fin de compte pour principal effet de lui faire manquer cette occasion de stabiliser sa situation, et peut-être même, de "mériter" un jour une tranquillité définitive au regard de vos services (ce qui lui permettrait au passage de vivre de nouveau avec son épouse).

Dans l'espoir que le regard que mon fils porte sur ce monde se fasse, le temps d'une nouvelle réconfortante, un peu moins dur, je vous prie, Monsieur le Préfet, de reconsidérer la situation faite à la personne dont je vous parle et d'annuler l'obligation qui lui est faite de quitter l'endroit qu'il a choisi pour vivre.

Voulant croire que vous ne serez pas insensible à mon appel, je vous adresse, Monsieur le Préfet, mes salutations d'être humain à être humain.

mercredi 9 juin 2010

Manifestation de soutien à Siva Sivasankaran : on revient demain !

Jeudi 10 juin, toujours à 17h30
Devant la Préfecture du Doubs
8, bis rue Charles Nodier à Besançon

Signez la pétition de RESF.
Venez avec une fleur.
Venez avec une lettre au préfet.

Aux dernières nouvelles, Siva doit rencontrer un officiel Indien, qui décidera de s'opposer ou non à son expulsion. Notre soutien comptera donc à la fois dans cette décision, dans celle du préfet qui a le pouvoir d'annuler l'OQTF à tout moment, et bien sûr pour le moral de Siva.

Une OQTF à Besançon : manifestons pour que Siva reste ici, chez lui

Manifestation de soutien à Siva Sivasankaran :

Mercredi 9 juin à 17h30
Devant la Préfecture du Doubs
8, bis rue Charles Nodier à Besançon

Signez la pétition de RESF.

Siva

Siva vend des fleurs dans les restaurants bisontins.
Ingénieur informaticien, en France depuis le 6 septembre 2000, il fut tout d’abord analyste dans une société de Belfort, puis intérimaire, après un licenciement économique. Au chômage au moment du renouvellement de son titre de séjour, ce dernier n’a pas été renouvelé.

Parti en Inde rechercher les siens, disparus lors du tsunami de 2004 (ils sont effectivement décédés dans la catastrophe), il revient en France. Expulsé en 2006, un recours contre l’ordre de quitter le territoire en suspens, il rentre et apprend que la cour d’appel, déboutant le préfet de Belfort, le contraint à lui délivrer un titre de séjour… qui ne sera pas renouvelé.
Nouvelle interpellation le 11 juin 2007 et nouvel éloignement 10 jours plus tard. Rentré à nouveau en France le 25 février 2008 avec un visa et un nouveau passeport sans trace de ses précédents séjours, il épouse Halima, française. Expiration du visa et son corollaire, l’Arrêté de Reconduite à la Frontière. Sa femme, lassée des visites policières, lui demande de quitter le domicile conjugal.

Siva part à Besançon. Trois promesses d’embauche, dont la dernière en CDI, en mars, comme chef de projet... Quand il veut obtenir des informations auprès de la préfecture, la réponse est invariable : « le dossier est à l’étude là-haut » chez le Préfet, y compris lorsqu’une OQTF (obligation de quitter le territoire français : un avis d'arrestation imminente - NDB) lui est adressée. Il la découvre lors de son arrestation, le 28 mai dernier, comme le fait qu’il n’y a pas eu d’envoi des promesses d’embauche à la DDTE.

L’informatique fait pourtant partie des métiers « en tension ». Siva est au CRA de Geispolsheim. Les délais de recours sont dépassés. Il espère qu’en plaidant sa bonne foi, le TA de Strasbourg acceptera son appel.
Siva doit pouvoir rester en France, exercer son métier d’informaticien, retrouver une vie familiale.
Nous demandons à Monsieur le Préfet d’annuler son OQTF et de lui délivrer un titre de séjour « vie privé et familiale » d’une durée d’un an.

Source : RESF

mardi 1 juin 2010

Les vacances de Chèvre chanceuse

Enfin fini, ce projet, enfin les vacances !
Cet après-midi, il faisait beau ; les fleurs des acacias de la BU, que je guettais chaque jour au passage, étaient encore fraîches. J'en ai cueilli autant que je pouvais, car j'avais invité un grand nombre indéterminé de gens à fêter l'arrivée des vacances et à goûter aux beignets prémédités.
Pour faire bonne mesure, j'y ai ajouté quelques fleurs de sureau sur le chemin, et des bananes et des aubergines pour faire d'autres beignets, et du cidre et de la glace pour alléger l'ensemble. Harttu a été très amusé que je commente le fait que les glaces choisies soient toutes jaunes en marmonnant quelque chose comme sacrifions la dimension esthétique.

Aloïs a pensé au sucre glace et nous avons préparé une grande quantité de pâte à beignets comme si nous avions toujours cuisiné en binôme. Linaël nous a aidé à les frire, tandis qu'Harttu trempait les fleurs dans la pâte en fredonnant avec un machinal comique.
J'ai raconté la première cuite du Lapin Osaka : à dix-huit mois, au Chanel n°5 ; le centre anti-poison a dû appeler la maison Chanel, qui par bonheur ne met que de bonnes choses dans ses flacons.
Harttu a continué sa série de questions sur la vie quotidienne française ; après Est-ce qu'il y a beaucoup de bidets en France ?, c'était cette fois Est-ce qu'il y a beaucoup de royalistes en France ? puis Est-ce qu'il y a beaucoup d'animaux sauvages en France ?.

Whisky, pétard, un tube de mon adolescence : c'est vraiment les vacances ! (Le tube c'était Informer de Snow. Vous savez : "a niki boum boum daah !" Je suis toujours capable d'en chanter le refrain en yahourt et j'en suis très fier'.)

Bon mais, demandez-vous, quel rapport avec la chèvre ? C'est mon nom indien, Chèvre chanceuse. Je l'ai eu lors d'une cueillette de fleurs d'acacias et il me va vraiment bien.

mardi 25 mai 2010

Mini-atelier d'écriture en ligne : le texte truffé de nombreuses redondances pléonastiques

Au jour d'aujourd'hui, la mode des ateliers d'écriture est très en vogue. Ils poussent comme d'innombrables champignons un peu partout, et jusque sur la toile du web.
D'ailleurs à ce propos, voici l'occasion propice de vous jeter avec une fougue impétueuse dans ce projet que peut-être, vous préméditez depuis longtemps : écrire. Alors c'est parti, allons-y.

Donnez vous... une heure, deux si vous avez ; ça passe toujours trop vite. La contrainte est la suivante : un texte court (cinq à vingt lignes) comprenant au moins dix énormes pléonasmes (volontairement intentionnels) voire même plus.

Au départ, vous pouvez potentiellement commencer par décider de ce que vous voulez raconter, ou bien, selon le choix que vous préférez, chercher d'abord quelques pléonasmes bien redondants et abusivement outrés, à partir desquels vous broderez par-dessus pour les lier en un texte cohérent.

Encore un dernier conseil final pour terminer : Lourd, c'est bien. Quand vous vous demanderez si c'est pas un peu trop too much quand même, foncez.

Une fois votre texte écrit, ce serait sympa de votre part d'avoir la gentillesse de le poster en commentaire : je serais enchanté' d'avoir le plaisir de le lire.

On peut s'appeler Alphonse et être génial

Méconnu, pillé, Alphonse Allais refait surface après un siècle d'injustice. L'hydropathe (saleté de correcteur d'orthographe ignorant) que la légende installe à une table de café, écrivant d'un trait et mettant sous pli sans la relire sa chronique quotidienne, ne cesse d'être redécouvert.

"Ses extrémités, froides comme celles d'un serpent." "On étouffe ici ! Permettez que j'ouvre une parenthèse." "A qui doit mourir du choléra, Dieu dépêche le microbe du choléra, de même qu'il décerne le microbe du coup de pied dans le cul à celui qui doit recevoir un coup de pied dans le cul."

L'homme qui aimait mieux "aller hériter à la poste qu'aller à la postérité" mérite, mandat ou pas, qu'on se souvienne de lui. Lisez plutôt ces nouvelles, vous m'en direz des nouvelles.

lundi 24 mai 2010

Le problème avec les burettes - Une aventure du Lapin Osaka

Mon ami Joël, alias Le Lapin Osaka, m'a conté une amusante aventure qui lui est arrivée récemment. Je me marre, donc je narre :

burette

Après avoir utilisé un piston à haute pression, Le Lapin Osaka voulut le graisser. Pour ce faire, il existe une méthode, dite de la cuillère à café, qui implique de sacrifier une cuillère à café ordinaire pour verser un petit volume d'huile de vidange à l'intérieur dudit piston.
Mais une pénurie de ces aimables objets sévit chez lui depuis assez longtemps pour approcher maintenant le seuil critique (de une cuillère, qui imposerait une parfaite alternance entre lavage et usage, voire de zéro cuillère, mais je préfère ne pas y penser). C'est ainsi, m'expliqua-t-il, que l'idée lui vint de se procurer cet ustensile si pratique : une burette.

Une petite burette en cuivre avec un bec coudé, et sur le dessus de la poignée, un poussoir qui ferait pfhht, pfhht quand on appuie dessus serait idéale, mais tout autre modèle lui conviendrait, pourvu qu'il soit raisonnablement fonctionnel.
Le Lapin Osaka se rendit donc au garage Citroën en face de la boulangerie, de l'épicerie et de la pizzeria. Il était près de sept heures, et après avoir fait le tour de l'atelier désert, il ressortit sans avoir vu personne, et sans burette.

Avisant alors le bric-à-brac entassé à côté du garage, Le Lapin Osaka eut l'idée d'aller demander au brocanteur si, par une plausible bonne fortune, il n'aurait pas une vieille burette à lui vendre.
Non ! Lui répondit le brocanteur, un grand costaud dont les favoris ne déparaient pas son pantalon de velours et sa chemise de bûcheron. L'abrupt refus fit sursauter son chaland, notre Lapin, qui s'était laissé distraire par une vieille enseigne, un grand U provenant probablement du resto U.
Tout en contemplant une caisse où voisinaient pieds de lampes, bouillottes, timbales et pompes à vélo, Le Lapin Osaka insista : parmi tous ces objets, qui sait ? Une petite burette pourrait facilement s'être cachée et faite oublier...
Le brocanteur répliqua avec fermeté : Non, il n'y a pas de burette ici, c'est impossible !

Puis il se radoucit pour expliquer : c'est à cause des collectionneurs, vous comprenez. Il y a des collectionneurs de burettes à Besançon. Plusieurs. Ils passent souvent, pour être sûrs de ne pas s'en faire souffler une par un autre collectionneur.
L'un d'eux en a plus de deux cents, ajouta-t-il pour bien montrer au Lapin qui l'écoutait d'un air dubitatif, à quel point c'était chose sérieuse que ces collections de burettes. Ils me prennent toutes sortes de burettes. Comme la burette culbuto que j'avais encore hier ; vous savez, celles qui sont lestées pour pouvoir être jetées dans un coin sans se renverser. Des burettes de toutes les tailles. Des burettes dont la marque est gravée sur le poussoir. Des burettes en alu, en étain, en plastique, en acier, en cuivre, en laiton,...

Il aurait pu, sans doute, poursuivre encore longtemps sa litanie des burettes, décrire toutes ces burettes qu'il ne pourrait pas procurer au Lapin Osaka, dont les désirs en matière de burette étaient pourtant si modestes. Ce dernier haussa les épaules. Une petite cuillère de plus ou de moins, finalement...

mardi 18 mai 2010

Quatre jours d'une rare intensité... L'art dans le pré

Comment raconter de pareils moments ? Il faut les vivre. Je vais pourtant essayer.

Ailloncourt, c'est d'abord une porte qui s'ouvre dans la nuit sur une grande salle illuminée par des lustres féeriques, où toute une joyeuse tablée nous accueille chaleureusement. Entré avec nous, le temps bloque sa respiration, fait signe qu'il ne veut pas déranger et se retire sur la pointe des pieds : pendant quatre jours, il sera dix heures dix.

Nous ne nous sommes pas plutôt joints aux convives que Sharon fait apparaître devant nous deux assiettes bien remplies, escortées de verres dont le contenu ne cessera de monter et descendre.
Tout en prêtant l'oreille aux conversations animées, je lorgne sur le décor : partout, des toiles, des sculptures, d'étonnants objets. Mes yeux tentent une mitose pour ne pas en perdre une miette.

Le lendemain matin, j'explorerai avec la même délicieuse curiosité le fameux pré, déjà peuplé d'étranges hôtes.

La libellule...

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la coccinelle...

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et l'oiseau perché sur un vélo...

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Un coeur de pierre se dore les ventricules au soleil, près de canards en plastique barbotant au milieu des nénuphars. Plus loin, une main géante déploie ses phalanges taillées à même le tronc qu'est son poignet.

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Puis je fais connaissance avec Aglaé, la petite soeur de Georges-Alphonse :

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Plutôt mignonne, non ? Tout en sautant et en roulant des yeux, Aglaé me raconte la disette qui décima son espèce, puis son long périple à travers l'espace, jusqu'à la Terre où elle trouva enfin de quoi se nourrir : des salades. (Je veux dire qu'elle se nourrit de salades, bien sûr, et non qu'elle m'a raconté des salades.)

Les artistes s'installent et je commence à me promener parmi les stands, mon petit cahier à la main. Non sans m'arrêter de très nombreuses fois pour bavarder !

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Réunir cinquante artistes pendant quatre jours peut donner lieu à toutes sortes d'ambiances ; Richard et Sharon savent s'y prendre, et L'art dans le pré est placé sous le signe de la convivialité.
En italien comme en français ou en allemand, un sourire ravi est le plus clair des compliments, aussi personne n'est-il en peine pour remercier Mariann de son tiramisu.

Vanni et Sergio nous invitent à peindre sur des assiettes blanches, les cuisent, et chacun repart avec sa céramique : un hippocampe pour Sharon, une tête d'oiseau pour Sabrina, et pour moi qui ne sais pas dessiner, la silhouette de ma main ! En écho avec le caractère ancestral de nombre des techniques employées ici : fusion du bronze, poterie, taille de la pierre et du bois,...

Outre le texte que j'avais apporté sur la Femme aux deux têtes de Sabrina, j'ai écrit sur :

Cinq textes seulement, quand j'aurais voulu en écrire cinquante. Mais cinq textes, semble-t-il, appréciés ; Jean-Claude m'offre L'étoile de Venise, tandis qu'Alain prévoit de graver Cosmologie...
Surtout, ils me traitent, moi l'escribouillard' amateur', en égal'. Ce qui constitue le meilleur coup de pouce pour me décider, enfin, à me prendre au sérieux !

Et le soir, c'est la magie de la coulée...

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(Vous trouverez des photos de la coulée du lundi soir ici, d'autres photos et même une vidéo .)

Richard et Sharon, tout comme Salif et Karim, leurs invités Burkinabés, utilisent la technique de la coulée à cire perdue : la sculpture est d'abord réalisée en cire, puis enveloppée d'une gangue d'argile. Durant la fusion du bronze, les moules sont mis au feu et vidés de leur cire. Aussitôt que le bronze est prêt, il est versé dans les moules, à plus de 1200 degrés... C'est superbe !
Le moment où le creuset est retiré du feu, rougeoyant, pour verser délicatement le bronze dans la mince cheminée, est particulièrement impressionnant. Si un moule casse après avoir été vidé de sa cire, la sculpture est perdue ! C'est ce qui arrive à Richard le samedi. Désolant. Le corps du crocodile manqué semble s'émietter à partir des pattes avant. Sa gueule semblait pourtant si vivante...

Le lundi soir, j'enflamme mes bolas pour saluer la dernière coulée du festival...

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Jean-Luc, artiste touche-à-tout, m'accompagne à la guitare...

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pendant qu'Éric prend des photos de mon mini-spectacle.

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Le plus difficile est de dire au revoir à tout le monde. Heureusement, la prochaine édition du festival aura lieu en septembre !

jeudi 6 mai 2010

L'art dans le pré

Je m'en vais tremper ma plume dans la térébenthine à l'occasion de L'art dans le pré. Venez faire un tour à Ailloncourt ce weekend ! Vous pourrez y voir les dernières toiles de mon amie Sabrina, découvrir une cinquantaine de peintres, sculpteurs, photographes,... et peut-être assister à ce moment magique, une coulée de bronze par Richard et Sharon Baker.

dimanche 11 avril 2010

La réalité est un rêve comme les autres

Richard Brautigan était déjà un de mes auteurs favoris avant que je lise La pêche à la truite en Amérique. L'un' de mes persos de jeu de rôle s'est appelé' Fred Brautigan et je l'en ai aimé' beaucoup plus. Maintenant que j'ai lu La pêche à la truite en Amérique et Sucre de pastèque, ce billet que je comptais écrire un jour est devenu indispensable.

Comment vous dire ça ? Vous marchez tranquillement, l'air est doux. Vous faites un pas de côté et la façon dont les choses se montrent à vous est différente. Elles se mettent à vous parler avec gentillesse. Les pianos à queue passent au vert juste quand vous arrivez devant. Ou si ils ne le font pas, ils vous expliquent : "Désolé, faut que j'attende encore un petit peu avant de changer de couleur. Vous voulez que je vous joue quelque chose ?".

Et là vous réalisez que vous avez tout votre temps, parce que le temps, vous savez. Le temps d'un livre. Le temps que le soir tombe sur un couple de pêcheurs qui apportent au bord de l'eau tous les meubles de leur salon, il se passe tellement de choses. Un gosse passe devant un snack-bar, et comme il n'a pas faim il s'achète des balles à l'armurerie d'à côté. Mais il n'est pas tout à fait absent du snack-bar ; il aurait pu s'y arrêter et la balle aurait pu rester dans sa boîte et la boîte, à l'armurerie, pendant que la serveuse aurait essuyé le comptoir du snack-bar en pensant aux coïncidences de sa vie. Le temps d'écrire un livre à l'encre de pépins de pastèque, sur ces feuilles de bois qui sentent bon et que Bill a taillées à la fabrique d'échandolles.

Un truc que Brautigan fait vraiment bien, c'est les comparaisons. Elles sont neuves tout en ayant l'air d'occasion : vous en lisez une et vous vous demandez où vous avez bien pu voir cette sacrée comparaison la dernière fois. En voici deux que j'ai recopiées de Mémoires sauvées du vent :
Je colle mon oreille au passé comme si c'était le mur d'une maison qui n'est plus.
Le vent s'était éteint, faisant de l'étang une surface aussi lisse et calme que du verre endormi.

Dans La pêche à la truite en Amérique, elles sont plus loufoques :
Là, le ruisseau était doux et s'étalait dans l'herbe comme la panse d'un buveur de bière.
L'emplacement n°4 avait une grosse table en bois équipée de bancs fixes, comme ces anciens lorgnons à la Benjamin Franklin, ceux qui ont des drôles de verres carrés. Je me suis assis sur le verre de gauche, face aux monts Sawtooth. Tel l'astigmatisme, j'ai fait comme chez moi.

Ce qui est bien, avec Brautigan, c'est que plein de choses sont possibles, naturelles, comme acheter un ruisseau à truites au mètre, avec les animaux en supplément et possibilité d'avoir une cascade, mais pas toutes les choses sont possibles : seulement les jolies, celles dont on prêterait volontiers l'idée aux gosses, mais qui viennent plutôt, je crois, des poètes.

vendredi 19 mars 2010

Modèle

J'ai commencé à poser à dix-huit ans, quand je suis arrivé' à la fac. D'abord pour mon amie Sabrina chez laquelle je passais le plus clair de mon temps, puis dans un petit club de dessin aux environs de Besançon. Les gens du club venaient à tour de rôle nous chercher, le prof et moi. Nous soupions chez eux. Ensuite je posais deux heures, dans un local bien chauffé, pas comme aux beaux-arts où les étudiants peignent parfois en moufles. Je choisissais toujours la pose moi-même, ce qui m'apprit à me représenter ce que je donnais à dessiner, pour éviter aux élèves les entrecroisements compliqués et les raccourcis trop brutaux.

Les membres du club, de vieilles dames pour la plupart, n'étaient pas très douées. Je trouvais amusant de passer de l'autre côté des chevalets pour y trouver mon image plus déformée que dans un miroir concave. Parfois c'était l'une d'elle qui se penchait sur l'ouvrage de sa voisine et piquait ma curiosité en commentant : "Mais non, elle n'a pas un sein plus gros que l'autre !" ou "Tiens ! On dirait un cochon. - Et la tienne alors, une souris !" De lumineux souvenirs. Par la suite, j'ai encore posé à l'occasion pour les gens que j'aime, mais de moins en moins souvent, puis plus du tout.

Sabrina a continué à peindre. Elle expose, se rapprochant d'une activité de peintre professionnelle pour laquelle, si le talent ne lui a jamais fait défaut, l'aplomb lui manque encore. Elle y consacre de nouveau beaucoup de temps, me dessinant comme alors, et je retrouve avec plaisir mes habitudes de modèle. Disposer mes membres avec naturel, trouver les appuis qui tiendront longtemps, vérifier l'inclinaison de ma tête d'après les limites de mon champ de vision, me bagarrer un peu avec les muscles de mon visage.

Puis me laisser gagner par cet engourdissement attentif, cet état hypnotique où mes pensées vagabondent sans s'éloigner de mon corps. Guetter les mouvements de mon amie, ses yeux d'oiseau en alerte qui semblent prendre devant eux ce que la main pose sur le papier ou la toile. Sortir en sursaut d'une rêverie : "Ai-je bougé ?" vérifier, retrouver le calme, laisser revenir doucement chaque muscle en place. Écouter le crayon tracer et préciser les traits, observer le pinceau mélanger des couleurs, pris d'une vie propre, insecte affairé tendu vers un but qui m'échappe. Dénouer enfin mes membres amollis, en refaire usage mobile, aller voir.

Sur le chevalet, une image qui n'existait pas l'heure d'avant. Sortie d'où ? Mon double me sourit, ou jette devant lui un regard languide. Il a toujours l'air d'en savoir plus long que moi. Son apparition, du moins, ne semble pas le troubler le moins du monde. Son existence m'ôte toute pudeur : ce que je donne à voir de moi, c'est ce dessin, avant même qu'il existe. Que ma nudité de modèle coïncide en pratique avec ma nudité comme élément d'une sexualité ne porte pas de sens.

Quand je pose, chaque centimètre carré de peau, chaque muscle a la même importance, sans qu'il soit pertinent de les hiérarchiser ou de focaliser sur un organe à la symbolique plus forte. A envisager mon corps de cette manière, sa beauté m'apparaît plus clairement que jamais -je ne parle pas de vérifier tel ou tel critère comme dans un concours canin, mais de la beauté que possède le corps humain d'être une merveilleuse machine.

Ce qui ne m'empêchera pas, une fois spectateur', de tomber comme Narcisse amoureux d'un regard perdu ou du creux d'une épaule. Car entre cet ensemble harmonieux et le charme que je trouverai à l'un ou l'autre détail, sans forcément voir comment le premier soutient toujours le second, il y a tout l'art du peintre pour donner du sens à ce qui aura cessé d'être un corps : une image.

lundi 8 mars 2010

Le 8 mars nous gagnons plus de confiance en nous, et c'est heureux car on en aura besoin

Aujourd'hui j'ai fêté avec Nathalie son accession, fruit d'une lutte de plusieurs semaines, aux arcanes de la pose de carrelage. Le boulot serait fini depuis longtemps si les spécialistes, qui n'ont pas rechigné à instruire Ludo, l'avaient écoutée plus tôt, mais elle a enfin pu leur prouver que non, même le premier on ne le rate pas forcément..

Aujourd'hui Claude, souris en main, a vaincu le problème de la fenêtre sournoise et fait une expérience non inhibante de debugage, grâce à l'absence de toute esplication technico-lumineuse, un art que les mecs ont tendance à faire participer plus de l'éblouissement que de l'éclairement.

Aujourd'hui Jeanne a toujours besoin d'aide en maths, mais ce n'est plus dû qu'à sa flemme d'apprendre les leçons. Après cinq ans passés à convaincre sa mère de ne plus dire qu'elle ne comprendrait pas et à défaire cette croyance, son intelligence n'est plus bridée par aucun complexe.

Ces petites victoires ne sauraient me faire oublier que la violence continue.

Qu'il n'est toujours pas possible d'avoir la paix dans un bar le soir (même quand on porte un gros pull et qu'on est manifestement là pour jouer au go), que repousser ne serait-ce que verbalement un contact imposé est encore considéré comme une incongruité.

Que déposer une plainte pour violences domestiques reste une épreuve quand on a la chance d'avoir les bons papiers, et devient un cauchemar quand on ne les a pas.

Que les femmes ne sont pas respectées pour deux sous (je ne parle pas du "respect" idolâtre de La Femme) dans ce pays et cette époque où nous avons tout gagné, c'est à dire où une fraction du sexisme un peu plus grosse qu'une miette est tombée grâce à un siècle de lutte.

mercredi 3 mars 2010

La claque

Mes nuits sans sommeil me sont tombées dessus d'un seul coup, je suis claqué'. Alors je reste pelotonné' dans mon fauteuil, à boire du ricoré en écoutant Mylène Farmer. Oui j'ai mauvais goût, je le cultive même, juste pour les moments comme celui-là.

mardi 2 mars 2010

Retour des choses

Un rencard de paperasse est l'une des plus abominables corvées qui se puissent : expliquer à la dame pourquoi la situation n'est pas meilleure, pourquoi on n'a pas fait ce qu'il fallait, pourquoi on n'a pas plus de sous que ça. Ce genre de connerie implique généralement un humiliant déballage de sa vie privée. Mais pour ce rendez-vous qui m'énervait d'avance, j'avais un plan : faire mon numéro de pauvre victime qui s'en sort pas. Victime, c'est la pure vérité. Qui s'en sort pas, vu de l'autre côté du bureau ce n'est sans doute pas faux, mais de mon point de vue je m'en tire plutôt pas mal.

J'ai eu envie de lui faire l'impression la plus désagréable possible, tout en ne lui donnant bien sûr aucune raison objective de me sacquer. Pour qu'elle n'ait pas, mais alors pas du tout, envie de rouvrir mon dossier, pour qu'elle s'empresse de boucler ça de façon à être sûre de ne pas me revoir, c'est-à-dire de prendre la décision qui m'arrangeait. Bien sûr, c'est mal : c'est de la manipulation émotionnelle, une crasse, un moyen de salaud. Mais est-ce que moi, j'ai choisi un boulot où les gens sont forcés d'en passer par où je veux, de se mettre en slip de trois jours devant une inconnue ? Je ne ferais un boulot comme le sien pour rien au monde.

Je suis allé' à ce rencard en me remplissant la tête des phrases les plus misérabilistes que je pouvais trouver. J'ai raconté à la bonne dame, qui n'en demandait pas tant, la situation dans laquelle m'avait mise mon boulot à Siloë. Pas besoin de forcer le trait pour brosser un tableau lamentable, mais je ne me suis pas gêné' pour entrer dans les détails et même pleurer un peu. En sortant, il faisait beau. J'avais réussi mon coup au-delà de toute espérance et je me sentais léger'. Pour une fois, ces souvenirs m'ont fait venir des larmes, non malgré moi, mais exprès. Non amères, mais jouées. Et bon sang, ce que ça fait du bien !

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