L'enragé'

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

.... › Livres

Fil des billets

lundi 3 janvier 2011

Le monde merveilleux du Cap'tain Foudre

Charly_couv_1

Quand j'ai vu Charly Lasalle se faire offrir le vaisseau du Cap'tain Foudre, j'étais à peine plus grand' que lui. Je lisais Spirou et moi aussi, je rêvais parfois d'avoir entre les mains le pouvoir de faire plier la réalité, d'être l'ami' d'un vaisseau spatial intelligent, qui vole vraiment et tire au laser sur tou's celleux qui m'embêtent.
Même si je commençais à comprendre que les choses n'étaient pas si simples et que je ne détenais pas forcément la clef d'un monde juste et heureux qu'il suffirait d'imposer aux autres (oui à six ans j'étais stal', le tout c'est de ne pas le rester).
Charly devient donc l'ami du Cap'tain Foudre, ainsi que l'objectif stratégique numéro un de l'armée française, qui évalue le potentiel du jouet maléfique comme équivalent à celui d'une arme nucléaire et se dote de moyens de capture en conséquence.
Les adultes qui entourent Charly sont des gens ordinaires ; incrédules devant ce jouet en plastique doté d'une vie propre, terrifiés et révoltés par l'attitude de l'armée, illes sont capables du meilleur comme du pire.
Entre la brutalité guerrière du colonel Henrik ("un homme de terrain") et la toute-puissance enfantine de Charly et de son dangereux ami, Catherine Lasalle tente de trouver une issue pour ramener son fils à une vie normale.
Malgré son allure de gentille BD belge et son héros en culottes courtes, cette histoire fantastique où des crabes géants ne laissent d'un personnage de premier plan qu'une succession de détails macabres, pourrait sembler un peu raide pour le lectorat de Spirou mais elle m'a fasciné' et je la lis toujours.

mardi 25 mai 2010

On peut s'appeler Alphonse et être génial

Méconnu, pillé, Alphonse Allais refait surface après un siècle d'injustice. L'hydropathe (saleté de correcteur d'orthographe ignorant) que la légende installe à une table de café, écrivant d'un trait et mettant sous pli sans la relire sa chronique quotidienne, ne cesse d'être redécouvert.

"Ses extrémités, froides comme celles d'un serpent." "On étouffe ici ! Permettez que j'ouvre une parenthèse." "A qui doit mourir du choléra, Dieu dépêche le microbe du choléra, de même qu'il décerne le microbe du coup de pied dans le cul à celui qui doit recevoir un coup de pied dans le cul."

L'homme qui aimait mieux "aller hériter à la poste qu'aller à la postérité" mérite, mandat ou pas, qu'on se souvienne de lui. Lisez plutôt ces nouvelles, vous m'en direz des nouvelles.

dimanche 11 avril 2010

La réalité est un rêve comme les autres

Richard Brautigan était déjà un de mes auteurs favoris avant que je lise La pêche à la truite en Amérique. L'un' de mes persos de jeu de rôle s'est appelé' Fred Brautigan et je l'en ai aimé' beaucoup plus. Maintenant que j'ai lu La pêche à la truite en Amérique et Sucre de pastèque, ce billet que je comptais écrire un jour est devenu indispensable.

Comment vous dire ça ? Vous marchez tranquillement, l'air est doux. Vous faites un pas de côté et la façon dont les choses se montrent à vous est différente. Elles se mettent à vous parler avec gentillesse. Les pianos à queue passent au vert juste quand vous arrivez devant. Ou si ils ne le font pas, ils vous expliquent : "Désolé, faut que j'attende encore un petit peu avant de changer de couleur. Vous voulez que je vous joue quelque chose ?".

Et là vous réalisez que vous avez tout votre temps, parce que le temps, vous savez. Le temps d'un livre. Le temps que le soir tombe sur un couple de pêcheurs qui apportent au bord de l'eau tous les meubles de leur salon, il se passe tellement de choses. Un gosse passe devant un snack-bar, et comme il n'a pas faim il s'achète des balles à l'armurerie d'à côté. Mais il n'est pas tout à fait absent du snack-bar ; il aurait pu s'y arrêter et la balle aurait pu rester dans sa boîte et la boîte, à l'armurerie, pendant que la serveuse aurait essuyé le comptoir du snack-bar en pensant aux coïncidences de sa vie. Le temps d'écrire un livre à l'encre de pépins de pastèque, sur ces feuilles de bois qui sentent bon et que Bill a taillées à la fabrique d'échandolles.

Un truc que Brautigan fait vraiment bien, c'est les comparaisons. Elles sont neuves tout en ayant l'air d'occasion : vous en lisez une et vous vous demandez où vous avez bien pu voir cette sacrée comparaison la dernière fois. En voici deux que j'ai recopiées de Mémoires sauvées du vent :
Je colle mon oreille au passé comme si c'était le mur d'une maison qui n'est plus.
Le vent s'était éteint, faisant de l'étang une surface aussi lisse et calme que du verre endormi.

Dans La pêche à la truite en Amérique, elles sont plus loufoques :
Là, le ruisseau était doux et s'étalait dans l'herbe comme la panse d'un buveur de bière.
L'emplacement n°4 avait une grosse table en bois équipée de bancs fixes, comme ces anciens lorgnons à la Benjamin Franklin, ceux qui ont des drôles de verres carrés. Je me suis assis sur le verre de gauche, face aux monts Sawtooth. Tel l'astigmatisme, j'ai fait comme chez moi.

Ce qui est bien, avec Brautigan, c'est que plein de choses sont possibles, naturelles, comme acheter un ruisseau à truites au mètre, avec les animaux en supplément et possibilité d'avoir une cascade, mais pas toutes les choses sont possibles : seulement les jolies, celles dont on prêterait volontiers l'idée aux gosses, mais qui viennent plutôt, je crois, des poètes.

lundi 5 octobre 2009

Asiles

Qu'est-ce qu'un' malade mental' ? Quelqu'un' qui promène ses pieds trop lourds dans votre quartier en marmottant tout' seul' ? Ce type aux immenses yeux doux qui vous tend une invitation pour rencontrer Notre Seigneur mercredi autour d'une tisane ?

Les psys ont dû bondir quand Goffman a proposé sa définition du malade mental : quelqu'un' qui s'est laissé' happer par l'engrenage d'un hôpital psychiatrique. Voilà où est la différence : ellui est dedans, vous, dehors. Sain' d'esprit ? Tou's les fous et folles disent ça. Qui c'était avant ne changera rien à l'air d'être fou qu'ille aura quand vous le ou la croiserez. Son odeur d'hôpital, la chimie lourde qu'on lui fourgue, les maniaqueries que la routine du service lui aura inculquées, plus sûrement.

Mais non voyons, je plaisantais. Les fous sont fous, c'est bien connu. D'ailleurs ce Goffman...

vendredi 2 octobre 2009

La disparition

Je ne vous ferai pas le coup du moi aussi je peux le faire : parler de La disparition sous contrainte lipogrammatique, c'est faisable, mais d'abord ce serait beaucoup de boulot, et surtout là n'est pas l'intérêt. Ne retenir de ce roman que la contrainte, c'est aussi injuste que si on disait (avec admiration certes) : Victor Hugo, quel poète ! Il a écrit des centaines de pages tout en alexandrins. C'est même plus injuste, parce que dans ces centaines de pages, il doit s'en trouver qui n'ont guère plus de mérite, alors qu'aucune de ce bouquin ne se limite à la performance tant vantée.

Ce qui me plaisait dans les romans d'Agatha Christie, c'était de pouvoir enquêter tout en lisant l'enquête ; ce qui m'agaçait, c'est que souvent l'auteur ne se gênait pas pour nous priver jusqu'à à la fin d'éléments indispensables. Dans La disparition, on peut chercher tout à son aise : l'intrigue policière autorise quelques pronostics, mais surtout chaque passage contient des allusions, symboles ou phrases à double sens, signalées par des indices et parfaitement transparentes aussitôt que repérées.

Par exemple on apprend qu'Anton Voyl a fait installer sur son auto un dispositif anti-vol. On se prend à prononcer anti-voyl, à comprendre anti-voyelle. Indice ou pure spéculation ? quelques lignes plus loin, le flic se fâche : pourquoi donc a-t-il fait installer (Perec insiste) un dispositif anti-vol sur son auto ? Il y a pourtant cinq ou six trucs qu'on croyait avoir compris... Ce cinq ou six comme le nombre de voyelles ne peut manquer d'attirer l'attention, et soudain le doute n'est plus permis : pourquoi, demande le flic, se prémunir non contre une, mais contre cinq ou six, toutes les voyelles (ou toutes sauf une) qu'on (l'auteur) a pourtant comprises, c'est à dire incluses, dans le roman ?

Trouver des allusions comme cet anti-vol, se les entendre confirmer par de magistraux passages à double sens, découvrir que le mot bourdon possède (au moins) dix sens différents, voilà de quoi pimenter la lecture de ce qui constitue par ailleurs un roman policier tout à fait honnête, et même haut en couleurs puisque celles-ci poursuivent le lecteur' à travers tout le texte grâce aux correspondances établies par "Vocalisations", le sonnet bien connu. Un régal. Bref : lisez-le, vous le relirez.

dimanche 10 mai 2009

Arsène Lupin, toujours aussi jeune ?

Voici quelques années que le héros de mon enfance a refait surface dans ma vie. Quel délice de retrouver, en filigrane d'une lecture toujours aussi rafraîchissante, le souvenir de ma première rencontre avec l'aventurier au brio sans pareil ! Cette relecture fut suivie de plusieurs autres, tant on ne se lasse pas d'habiter ces pages qui sont parmi les plus populaires de tous les temps. Jusqu'au jour où, découragée par l'épaisseur interminable du Seigneur des anneaux, je proposai à mon fils de lui faire lecture de cette œuvre à tous points de vue plus légère.
Le début fut difficile : l'emboîtement des récits, les dialogues où le locuteur n'est pas toujours désigné, le contexte vieillot jusqu'à l'exotisme désorientèrent quelques peu mon jeune auditeur. Mais très vite Lupin prit le pas sur ces difficultés, comme sur toutes celles qu'il rencontre dans ses aventures. Maître dans l'art de s'attirer les sympathies, celle de Gabriel lui fut bien vite acquise. Nous pûmes alors rire aux éclats de la confusion de Ganimard, reçu en homme du monde par son prisonnier de la Santé, subjugué par les ruses si simples devant lui dévoilées, désarmé par la gentillesse avec laquelle lui est rendue sa propre montre.

Arsène Lupin

Quelques semaines plus tard, alors que Gabriel me questionnait anxieusement sur les autres aventures de son cambrioleur préféré, nous trouvâmes dans une brocante, peu avant que la pluie ne nous trouve, toute une pile de celles-ci dont j'ignorais jusqu'à l'existence. La dame qui s'en séparait nous les céda pour trois fois rien et deux sourires ravis, heureuse de savoir que ses bouquins seraient de nouveau lus et chéris. Et nous voilà dévorants, qui ensemble, qui chacun le sien, les palpitants volumes qu'un heureux hasard nous avait procurés.
Mais si Gabriel lui voue une adoration sans réserve, une ombre se glisse maintenant entre le merveilleux gentleman et moi. Outre que certaines pages furent l'objet de soins insuffisants de la part de l'auteur, qui laisse çà et là des lourdeurs, voire des répétitions, l'œuvre de Maurice Leblanc est plus datée qu'il n'y paraît à première vue. On y trouve des propos sur les femmes qu'il me déplaît de lire, et plus encore de faire entendre à mon fils sans quelque commentaire -qui l'agace terriblement et ne le convainc pas- un patriotisme qui fleure bon la naphtaline, et surtout, omniprésent, un culte absolu voué à la classe dominante, une glorification de tous ses attributs qui devient peu à peu insupportable à la lectrice la plus enthousiaste.
Si l'attitude d'Arsène Lupin face à la vie, qui est de tout oser, de tout vouloir sans jamais se laisser arrêter par la crainte, est encore celle qui peut lui attirer un légitime attrait, si son refus que la propriété privée permette aux plus riches d'accaparer presque tout est un exemple qu'il faut continuer à s'approprier, pourquoi tout le mérite du brillant cambrioleur, sa légitimité même à s'emparer des richesses, devrait-elle émaner de ses origines nobles et de son aisance de gentleman ? L'homme du peuple dépeint par l'auteur, pourquoi devrait-il toujours être la brute crapuleuse, l'assassin sans scrupules ? Arsène Lupin est toujours aussi séduisant, mais comme le sont les détenteurs du pouvoir, les membres de la grande bourgeoisie qui bénéficient, encore, scandaleusement, de l'admiration de tous.

vendredi 6 février 2009

Un bras dedans, un bras dehors

Remettre son genre en question, se tra-ves-tir -articulez vous êtes une folle- devient banal. Subversion, où ça ? Simple follitude, répond le regard indifférent des passants. Ce n'est pas si simple, bien sûr, mais vous étiqueter suffit à éviter de chercher plus loin.
Remettre le genre d'autrui en question, voilà en revanche qui a de quoi déstabiliser. Élisa Pratt, quand elle reçoit la visite de ce Philippe Dumont portant jupon, scrute en vain ses traits asiatiques et finit par conclure que le spécialiste en dégâts des eaux, à l'insu de tous, expertise travesti. Très vite, on la détrompe : c'est madame Yo, la collègue de Philippe Dumont, qui s'est rendue chez elle. Mais la lettre est déjà partie. Cette lettre où elle lui dit son admiration, où elle l'assure de sa compréhension et de son soutien, Philippe Dumont ne pourra pas l'ignorer.
Tandis que l'humidité s'infiltre à travers les plafonds d'Élisa, s'étend en une tache de plus en plus voyante, s'installe comme chez elle sur des surfaces auparavant unies, Philippe qui voudrait s'assurer de son identité masculine en découvre peu à peu l'inconsistance.
Emmanuelle Peslerbe a touché juste avec ce roman en forme de correspondance manquée, où le lecteur est seul à recevoir la plupart des lettres, seul témoin de deux solitudes qui se répondent. Drôle et décalé, il nous pose des questions que l'on ne pourra plus ignorer.

jeudi 22 janvier 2009

Sylvie et Bruno

Lewis Carroll se considérait comme un auteur pour enfants, et d'une certaine façon il l'est. Mais Alice a été adapté avec une niaiserie furieuse, au point de faire passer l'œuvre de Carroll pour de mignons petits contes sans portée. Jetez Georges Sand, calez vos meubles avec la comtesse de Ségur, mais surtout, surtout, lisez Carroll.
Si Alice est un livre important, Sylvie et Bruno, mon préféré, est un livre magique. Charmés et déroutés par les jeux subtils auquel l'auteur livre le langage, (il fait quelque chose au langage, vraiment) nous sommes entraînés dans le sillage de deux jeunes fées, qui passent avec une gracieuse légèreté du sérieux au rire, de l'imaginaire au réel. La chance de voyager en leur compagnie, nous la devons à un vieil homme plein de fantaisie sous ses dehors de gentleman distingué, et à l'exquise Lady Murielle, toujours prête à discuter des conséquences d'hypothèses farfelues. Mais chut ! Voilà Sylvie...

Le crocodile

La porte s'ouvrit et le professeur regarda dehors. « Quels sont ces pleurs que je viens d'entendre ? demanda-t-il. Est-ce un animal humain ?
- C'est un petit garçon, dit Sylvie.
- Je crains que vous ne l'ayez taquiné ?
- Non, vraiment je n'ai rien fait, dit Sylvie très sérieusement. Je ne le taquine jamais.
- Bon, je vais demander à l'autre professeur. » Il rentra dans le bureau, et nous l'entendîmes chuchoter : « Petit animal humain... dit qu'elle ne l'a pas taquiné... l'espèce est appelée garçon...
- Demandez-lui quel garçon, dit une autre voix. Le professeur ressortit.
- Qui est ce garçon que vous n'avez pas taquiné ? »
(...)
« Vous voulez des prisquenlits, monsieur le monsieur ?
- Bruno ! murmura Sylvie d'un ton de reproche. Tu ne dois pas dire monsieur et le monsieur en même temps. Rappelle-toi ce que je t'ai dit !
- Tu as dit qu'il fallait dire le monsieur quand je parlais de lui, et monsieur quand je parlais à lui !
- Oui, mais pas les deux à la fois, voyons.
- Et si justement, mademoiselle la chicrâneuse ! s'exclama Bruno triomphalement, je voulais parler de ce gentremanne, et avec ce gentremanne, alors 'videmment j'ai dit "monsieur le monsieur" ! »

lundi 12 janvier 2009

La pornographie de l'âme

Les cadavres de la morgue, les folles de Charcot, voilà qui passionne Mayeul Magnus. De beaux sujets pour ses compositions. Cœurs sensibles, s'abstenir. Le tableau est calculé, millimétré, le sujet froid ou refroidi, tandis que sous la robe de l'appareil Mayeul bouillonne de frénésie photographique. Dans une mise en scène macabre et sensuelle qui en choquera plus d'un, Valérie Tordjman nous propose un portrait fascinant :

Toute la semaine, je photographie les cadavres de la morgue confiés aux soins de Lequeu avant que les gardiens n'exposent, derrière une vitre, ces inconnus à la reconnaissance de leurs proches. Avant que des hordes de gamins friands de poitrines dénudées, d'ouvriers cassant la croûte, de rentiers désœuvrés, de femmes du monde parfumées et de petites grisettes en mal de frissons ne me les disputent. Car le public s'ébruite ici comme au spectacle : il pleure, bat des mains et commente sans gêne ; hommes, femmes, tous se rincent l'œil, certains même se branlottent, excités par la proximité de la mort : leur désinvolture gâche la tendresse que j'éprouve pour ces corps sans nom. Je le sais, ils n'appartiennent à personne pourtant ils me parlent.

Rares sont les jours où je quitte mon travail, mais le dimanche, d'impatience face à ces indécentes histoires d'amour nouées sous mes yeux, je fuis la pointe de l'île de la Cité et la rue d'Enghien, où j'habite un sixième étage peuplé de domestiques, de petites blanchisseuses et de filles. Loin du ronronnement des machines frigorifiques, du ruissellement des eaux teintées de sang, je m'en vais flâner au Bois ou canoter. Tout plutôt que d'affronter la cohorte des badauds irrévérencieux préférant à la foule bigarrée des grands boulevards le spectacle gratuit des dépouilles - pendus noircis, surinés aux chairs béantes, noyés bouffis aux yeux vitreux repêchés dans la Seine, bras et jambes sans corps, corps sans tête - qui font les choux gras des gazettes à sensation.

Je reviens à mes morts la gîte au corps avec une impression irréelle de naufrage. Je suis jaloux de leur exposition, des morgueurs qui les lavent à grande eau, du frottement des balais sur leur peau et leurs os, bizarrement, des dalles, aussi, qui ne gardent aucune empreinte de leur passage ; et des visiteurs, oui. D'eux, je déteste les lèvres qui baisent le châssis vitré, les mains sales qui le touchent, les fronts qui s'y écrasent dès que j'ai le dos tourné. En fin de compte, je n'aime pas non plus mes sorties dominicales.

lundi 5 janvier 2009

Transmetropolitan

250px-Transmetropolitan_2.jpgCe réjouissant connard de Spider Jerusalem braque son flingue à saucisses journalistique sur les magouilles d'un monde pourri jusqu'à l'os. S'il se came à mort pour pondre des articles dérangeants et se fait la voix de ceux que l'on appelle la nouvelle racaille, est-ce par amour de la vérité comme il le prétend ? Ou pour le plaisir d'être tabassé par les flics, poursuivi par des tueurs, détesté par tous comme le soutient son éditeur ? Spider évolue dans un univers écœurant mais haut en couleurs, foisonnant de détails géniaux. Rien que pour ça, ce comics est vraiment sympa. Mais si je l'aime autant, c'est surtout parce qu'il sait me réconcilier avec un autre monde, tout aussi dégueulasse et sublime : le nôtre.

jeudi 1 janvier 2009

L'histoire de Ronald, le clown de McDonald's

Rodrigo Garcia est un enragé aux mots comme des sourires de loup. Ce mec parle comme personne de notre écœurement de consommateurs réticents mais blasés. Vache, tendre et plein d'humour, il dit combien nous sommes petits et crasseux à nos propres yeux, il raconte comment nous faisons pour avaler ça. Le bouquin n'a plus cessé de se promener sur le dessus de mes piles de bordel depuis que je l'ai ouvert, voici bientôt un an. J'en lis des passages à mes amis la nuit. Je songe sérieusement à apprendre mes préférés par cœur pour les fois où je ne l'ai pas sur moi. Mon enthousiasme immodéré suffisait, mais je trouve que le thème est approprié pour débuter la rubrique Livres de ce blog. Partageons ça :

Je ne sais pas ce qui est le plus dérangé chez moi : la tête ou l'estomac. À cause des choses qui me passent par la tête, je dis : tu as la tête plus dérangée que personne. Et à cause des pets que je largue, je me dis : personne ne peut avoir l'estomac dérangé à ce point. Mais non. Je sais que j'ai la tête plus dérangée que l'estomac parce que n'importe laquelle de mes pensées est infiniment plus insupportable que le moindre de mes pets. Je largue un pet, je le sens et je dis : c'est supportable. Mais j'analyse une de mes pensées et je dis : ça non, personne ne peut le supporter. N'importe laquelle de mes pensées est plus dégoûtante que le pire des pets que tu puisses larguer sous la couette. Ces pets qui en hiver servent à réchauffer le lit. Qui réchauffent le lit bien mieux qu'une cheminée !

L'histoire de Ronald, le clown de McDonald's suivi de J'ai acheté une pelle chez Ikéa pour creuser ma tombe est chez Les solitaires intempestifs : pour neuf euro vous avez en prime l'honneur de soutenir une chouette maison d'édition.