Chers parents,
vous veniez d'un milieu modeste, paysan, ouvrier. On vous fit ce présent : l'accès au savoir. Les livres, des études universitaires, tous ces trésors à qui en voudrait. Vous lûtes, donc, et vous apprîtes. Bourdieu attesta que votre soif avait de l'avenir : le capital culturel, sorte de magot, devait fructifier à travers nous, vos enfants, scellant -pensiez-vous- le destin familial. Vous nous élevâtes en pensant à nos études d'ingénieur, le réconfort de vos vieux jours. Je ricane, ce n'est pas gentil, car voici le rebondissement de l'histoire.
Les précieuses semences grandirent, gavées de science, de kultur et de la certitude de leur réussite prochaine. Sans le savoir, c'est un autre trésor plus précieux encore, dont vous nous comblâtes : nous avions le choix. Vous, c'était l'usine à laquelle vous échappiez. Nous, nous avions accès à tout, absolument tout ce qu'il nous plairait. Que serions-nous allés chercher des lauriers qui nous avaient été attribués par avance ? Que nous serions-nous jetés sur ce sale argent qui vous mettait si mal à l'aise ? Cigales nous naquîmes, de parents fourmis. Nous sommes heureux, nous sommes libres. Merci papa, merci maman. Et si vous arrêtiez de pleurer ?