Nous attendions cent ou deux cents personnes et ne sommes que soixante. Le plan devait rester secret, il y a eu des fuites. Qu'importe ! "Bloquer Besançon", cela peut aussi être bloquer une seule voie d'accès à Besançon, ou même simplement essayer. Nous sommes déterminés, nous sommes prêts. Chacun a son foulard, son écharpe ou un T-shirt savamment noué autour de la tête, n'emporte ni substance illicite ni couteau et vérifie qu'il a sa carte d'identité. Le jus de citron circule : il faut en imprégner son foulard pour mieux supporter les gaz lacrymogènes.
Mais au rond-point, la police nous attend. Les premiers ont à peine posé le pied sur le bitume qu'ils refluent sous un nuage de gaz lacrymogène. Nous réalisons rapidement que nous sommes encerclés. Restant groupés, formant bloc, nous tentons de sortir du piège. Ils nous menacent : arrêtez de pousser sinon on frappe ceux de devant. On n'a pas le cœur de désobéir, si ce sont les autres qui doivent le payer : nous stoppons net. L'un d'eux crie qu'il va nous gazer si nous avançons encore et lâche aussitôt un nouveau jet de lacrymogène. Un autre parle de "faire un exemple". Serrés entre trois murs de flics et une barrière, nous sommes coincés. Près de moi, un "bisounours" est au bord des larmes.
Les coups de matraque ne tombent pas au hasard, ce sont les anars qui dégustent. L'un après l'autre nous sommes arrachés au groupe, traînés un peu plus loin et on nous passe les menottes ; je les entends dire qu'ils en seront bientôt à court. Ils m'attachent avec quelqu'un d'autre et nous poussent dans un fourgon. Un flic proteste : il ne veut pas monter à deux seulement avec "autant d'individus" (nous sommes dix, assis à l'étroit et plutôt abattus). Arrivés au commissariat, on nous guide avec force aboiements à travers lesquels perce une certaine anxiété, vers une salle où nous retrouvons nos compagnons. Le moral remonte.
Après c'est beaucoup plus marrant, mais là je vais me coucher. La suite, bientôt.