Mais dis Adrien', tu ne peux pas parler d'autre chose pour changer ? Désolé... mon système d'emploi du temps étendu à coups de ciseaux et de colle n'est pas au point, je n'ai pas le temps d'écrire autant que je le voudrais, alors je privilégie ce que je trouve le plus important.

La Sorbonne nous éblouit depuis le début avec sa mobilisation confrontée au flicage quotidien, avec l'occupation des locaux qu'ils ont malgré tout réussi à mener à bien, avec Georges Molinié, le président que tout le monde leur envie. Et m'y voilà ! Un peu en avance, je tombe sur un cours hors les murs, "connaissance et politique". Du costaud, mais personne ne me regarde de travers quand je m'incruste sans façon dans le petit cercle d'étudiants.

A l'heure dite, nous nous dirigeons vers l'entrée ; la bleusaille, nombreuse, examine cartes d'identité et sacs à dos. C'est un jour faste : nous sommes autorisés à pénétrer dans les lieux. L'intérieur est nettement plus accueillant, quoi qu'impressionnant. Mazette ! Personne ne risque de se cogner la tête en passant une porte. Mais tout de suite, un panneau attire mon regard : café, salle tant. (à la réflexion, je crois qu'il était écrit : petit déjeuner, et que c'est moi qui ai lu café)

L'amphi est bien rempli, nous sommes venus de plus de soixante universités. Le bilan de la mobilisation est très rassurant ; à force de mensonges, les médias instillent le doute et parfois on imagine que les autres facs ont vraiment "presque toutes repris les cours", mais là c'est criant : le mouvement n'a pas ralenti du tout, au contraire. Je n'en perds pas une miette, me gave de cette ambiance électrique, y ajoutant une touche bisontine avec ma pancarte "branlette - on avance ?" que je trouve pourtant peu d'occasions de brandir : les débats sont constructifs.

Un messager nous informe que des militants sont entrés dans le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les porte-parole de la CNU sont en route pour y être reçus. Dans l'après-midi, ils reviennent et nous restituent les meilleurs moments de ce non-dialogue avec le directeur de cabinet de Pécresse et son adjointe.

Les questions embarrassantes ont suscité leur étonnement "Ah, tiens ? On savait pas." Vrai ou faux, c'est consternant. Mais depuis le temps qu'on réclame à être représentés par la CNU et personne d'autre, on a enfin obtenu une invitation hebdomadaire pour nos porte-paroles, "sans qu'il soit besoin de revenir occuper les lieux", a aimablement précisé le ministère.

Enfin, nous traitons la question brûlante de l'évaluation du semestre. Après trois mois de cours perdus, à quoi ressembleraient les partiels que veut Pécresse ? Une farce, nous le savons bien. Aussi prenons-nous le taureau par les cornes, en appelant à ne pas tenir de partiels tant que nos revendications n'auront pas été satisfaites.

Aussitôt après ce vote crucial, je file en place de grève. L'amphi devant initialement être libéré à 17h, je me suis engagé à participer à la ronde infinie des obstinés à 18h et il n'est que temps d'y courir. Dix minutes plus tard, en sueur mais en avance, je prends place dans le cercle des marchercheurs.

La ronde est une merveilleuse occasion de conversation entre militants de tous horizons. Ma voisine interpelle un passant "On tourne toujours, Denis !" C'est Denis Gedj, je lui cours après pour lui dire tout le bien que je pense de son initiative. Il est touché, et c'est vrai quoi : faut pas négliger le moral des camarades.

Je récolte tracts et informations, discute convergence des luttes, donne mon mail à tour de bras et fais un peu de publicité à la mobilisation bisontine. Au bout de deux heures de marche, j'ai encore assez de jus dans les pattes pour sauter dans mon train. Quoi, c'est déjà fini ? Je reviendrai.