Une immense fatigue, voilà ce qu'il me reste. Une migraine d'anthologie. Je ne devrais même pas être devant mon ordi mais qu'est-ce que vous voulez, il me faut ma dose. Mes yeux sont des couilles meurtries, mes nerfs oculaires contractés peinent à joindre leurs extrémités. Je sucre les fraises, bien entendu, ce qui ne m'aide pas à taper dans l'obscurité, en ne jetant que de brefs coups d'œil à l'écran -luminosité très basse et fond anthracite me le rendent tout juste supportable. Du repos, du calme, me priver de café. Je retrouve le rythme cardiaque affolé et la respiration haletante du lapin qu'on égorge. Ne pas se demander comment je serais monté au campus s'il l'avait fallu. J'y serais arrivé, oh ça oui. La mort, c'est d'avoir encore un peu de souffle et de n'en rien faire.
Assez pleuré sur mon corps. Le plus dur, c'est de recommencer à aller en cours, -ô joie de retrouver mes chères maths, que tu es amère- de parler avec les profs des connaissances accumulées sans moi par les clients de l'université, mes camarades, comme de "retard" à "rattraper". La tortue a continué son chemin, voilà que le lièvre qui n'a pas réussi à éteindre l'incendie sans elle est sommé de la rejoindre. Que ses pattes ne le portent plus, ce n'est pas cela qui lui crève le cœur. C'est de voir, car il se retourne pour regarder, le lièvre, c'est de contempler les ruines fumantes, le désastre imbécile contre lequel il a lutté de toutes ses forces. Les spectateurs font bien de lui jeter des seaux d'eau glacée au passage : nul ne peut voir les larmes qu'il n'essuie même pas. Sa bouche tordue semble un rictus d'effort sportif pour celui qui ne pense qu'à la course, et c'est peut-être mieux ainsi.