Des cris dans la rue me tirent de ma lecture. Je dresse l'oreille, jette un œil par la fenêtre. Ce ne sont pas des fêtards. Tout en haut de la rue, il se passe quelque chose. Il y a du monde, mais les gens... ne réagissent pas toujours, alors je préfère aller voir.
Le groupe d'où viennent les cris semble en train de s'apaiser après une dispute. J'entends "il pisse le sang". La plupart ont l'air assez calmes pour s'occuper de la suite, je fais demi-tour.

Et comme à chaque fois, je m'interroge. Pourquoi est-ce que je dresse l'oreille dès que j'entends des cris ? Pourquoi faut-il que je guette comme une commère, que je me sente concerné' ? Les autres montent simplement le son de leur télé, et moi je me mêle de tout.

Depuis quand ? La fois où la voisine a essayé d'étrangler sa fille ? Ou bien la tentative de viol dans la cour, ou encore ce type aux bras énormes qui cognait son pote, un samedi après-midi au centre-ville, devant trente badauds sans réaction ?
Je me souviens seulement qu'avant tout ça, je haussais les épaules, ce quartier est si animé. Maintenant, à chaque bande de fêtards, à chaque bataille d'eau autour de la fontaine, j'écoute, inquiet'.

Et à chaque fois, je me reproche de me prendre pour un super héros. Qu'on me donne une télé (un centicube guérit dix sentiments) pour oublier de m'en faire, pour apprendre le lendemain ce qu'étaient les cris dont je ne me suis pas soucié' : rien sans doute, rien si ils n'en parlent pas aux infos. Qu'on me donne du soma !