Je les sème au fur et à mesure qu'ils arrivent. Ils volètent dans ma tête, "dans un délai de quinze jours" "avant le 4 octobre" et les autres. Les délais approchent, les délais sont dépassés, ils clignotent rouge dans ma tête. Alors il faut bien. Je les rattrape. Je les récolte. Un tas, entrecoupé de dessins, de numéros de téléphone. Trier. Répondre, faire un chèque, mettre sous pli. Montant de vos sous de 2007, j'en sais rien.

Fouiller la boîte à papiers importants. Mettre les mains dans des liasses de mauvais souvenirs. Ne pas frôler la pochette "Siloë". Tenter d'ignorer sa venimeuse présence. Dénicher, dérisoire triomphe, le papier qu'on voulait. Personne pour applaudir. Indiquer le montant. Cocher la case. Endurer les voix criardes qui jacassent "au stylo noir et en majuscules d'imprimerie", "ne pas indiquer les centimes".

Dater, signer, mettre sous pli, racheter des timbres. Ne pas devenir timbré'. Garder pour la fin le courrier d'excuse, "Madame Monsieur vous me voyez désolé' de ce retard incompréhensible, les jours ont filé comme le vent et mon paiement qui n'arrivait pas, mais tout est fini maintenant rassurez-vous, je suis là je m'occupe de tout va rentrer dans l'ordre veuillezagréer signer fermer timbrer. Ouf.

S'affaler dans un fauteuil, souffler, fumer, pleurer un peu. Ne pas penser fahrenheit 451 ne pas serrer son briquet dans sa main ne pas jeter un regard mauvais à la boîte à papiers importants, ne pas se demander combien de temps combien de secrétaires de la CAF, de la sécu ou des impôts pour maîtriser le forcené' et éteindre un début d'incendie. Peut-être que les autres usagers, les gens quoi, me fileraient un coup de main pour tout brûler.