Peu visible, presque jamais questionné, le référentiel moral qui s'insinue dans un discours n'en est que plus efficace. Non, ce ne sont pas "juste des expressions". Porter un jugement de valeur en s'appuyant sur une notion ou une catégorie, c'est assimiler celle-ci à celui-là : "de gonzesse", "de gayzou", "en juif", "polio", c'est mal, c'est nul, c'est à éviter. Avoir "de la classe" ou "des couilles" est un modèle de mérite.

Bâtard ! En voilà une insulte. Contre celui-là j'ai un argument en béton : mon fils est un bâtard, ça n'a rien d'infamant si vous permettez. Les gens sont tous penauds et s'excusent ; si seulement ils retiraient aussi facilement leurs insultes sexistes et homophobes.

Encore plus discrets et non moins ravageurs : c'est pas normal, c'est pas du boulot, c'est pas clean. Comme si normalité, travail, propreté, j'en rate et des meilleures, étaient des références pour dire ce qui est bien, l'absolu du bien. J'ai pourtant à ma disposition : c'est inacceptable, c'est de la négligence, c'est malsain, sournois,...

Quant à "la chatte", "la motte", moi qui n'en ai pas de, mais une, autant dire que je n'en ai pas. Une femme à baiser, ça tombe tout cuit dans un lit au hasard et c'est évidemment le vœu le plus cher de tout un chacun. Je ne persisterai pas dans le coïtocentrisme hétéro, mais fallait voir la tête des mecs quand je me suis prévalu' d'avoir "du paquet" ou "du nœud".