Quatre jours d'une rare intensité... L'art dans le pré
Par Adrien' le mardi 18 mai 2010, à 14:33 - Au fil des jours - Lien permanent
Comment raconter de pareils moments ? Il faut les vivre. Je vais pourtant essayer.
Ailloncourt, c'est d'abord une porte qui s'ouvre dans la nuit sur une grande salle illuminée par des lustres féeriques, où toute une joyeuse tablée nous accueille chaleureusement. Entré avec nous, le temps bloque sa respiration, fait signe qu'il ne veut pas déranger et se retire sur la pointe des pieds : pendant quatre jours, il sera dix heures dix.
Nous ne nous sommes pas plutôt joints aux convives que Sharon fait apparaître devant nous deux assiettes bien remplies, escortées de verres dont le contenu ne cessera de monter et descendre.
Tout en prêtant l'oreille aux conversations animées, je lorgne sur le décor : partout, des toiles, des sculptures, d'étonnants objets. Mes yeux tentent une mitose pour ne pas en perdre une miette.
Le lendemain matin, j'explorerai avec la même délicieuse curiosité le fameux pré, déjà peuplé d'étranges hôtes.
La libellule...
la coccinelle...
et l'oiseau perché sur un vélo...
Un coeur de pierre se dore les ventricules au soleil, près de canards en plastique barbotant au milieu des nénuphars. Plus loin, une main géante déploie ses phalanges taillées à même le tronc qu'est son poignet.
Puis je fais connaissance avec Aglaé, la petite soeur de Georges-Alphonse :
Plutôt mignonne, non ? Tout en sautant et en roulant des yeux, Aglaé me raconte la disette qui décima son espèce, puis son long périple à travers l'espace, jusqu'à la Terre où elle trouva enfin de quoi se nourrir : des salades. (Je veux dire qu'elle se nourrit de salades, bien sûr, et non qu'elle m'a raconté des salades.)
Les artistes s'installent et je commence à me promener parmi les stands, mon petit cahier à la main. Non sans m'arrêter de très nombreuses fois pour bavarder !
Réunir cinquante artistes pendant quatre jours peut donner lieu à toutes sortes d'ambiances ; Richard et Sharon savent s'y prendre, et L'art dans le pré est placé sous le signe de la convivialité.
En italien comme en français ou en allemand, un sourire ravi est le plus clair des compliments, aussi personne n'est-il en peine pour remercier Mariann de son tiramisu.
Vanni et Sergio nous invitent à peindre sur des assiettes blanches, les cuisent, et chacun repart avec sa céramique : un hippocampe pour Sharon, une tête d'oiseau pour Sabrina, et pour moi qui ne sais pas dessiner, la silhouette de ma main ! En écho avec le caractère ancestral de nombre des techniques employées ici : fusion du bronze, poterie, taille de la pierre et du bois,...
Outre le texte que j'avais apporté sur la Femme aux deux têtes de Sabrina, j'ai écrit sur :
- Pensée, d'André Bourdin
- Sans titre (mon texte en porte un : Cosmologie) d'Alain Philip
- La semeuse de glace d'Alex Rempe
- Créature molle de Mani
- L'étoile de Venise de Jean-Claude David
Cinq textes seulement, quand j'aurais voulu en écrire cinquante. Mais cinq textes, semble-t-il, appréciés ; Jean-Claude m'offre L'étoile de Venise, tandis qu'Alain prévoit de graver Cosmologie...
Surtout, ils me traitent, moi l'escribouillard' amateur', en égal'. Ce qui constitue le meilleur coup de pouce pour me décider, enfin, à me prendre au sérieux !
Et le soir, c'est la magie de la coulée...
(Vous trouverez des photos de la coulée du lundi soir ici, d'autres photos et même une vidéo là.)
Richard et Sharon, tout comme Salif et Karim, leurs invités Burkinabés, utilisent la technique de la coulée à cire perdue : la sculpture est d'abord réalisée en cire, puis enveloppée d'une gangue d'argile. Durant la fusion du bronze, les moules sont mis au feu et vidés de leur cire. Aussitôt que le bronze est prêt, il est versé dans les moules, à plus de 1200 degrés... C'est superbe !
Le moment où le creuset est retiré du feu, rougeoyant, pour verser délicatement le bronze dans la mince cheminée, est particulièrement impressionnant. Si un moule casse après avoir été vidé de sa cire, la sculpture est perdue ! C'est ce qui arrive à Richard le samedi. Désolant. Le corps du crocodile manqué semble s'émietter à partir des pattes avant. Sa gueule semblait pourtant si vivante...
Le lundi soir, j'enflamme mes bolas pour saluer la dernière coulée du festival...
Jean-Luc, artiste touche-à-tout, m'accompagne à la guitare...
pendant qu'Éric prend des photos de mon mini-spectacle.
Le plus difficile est de dire au revoir à tout le monde. Heureusement, la prochaine édition du festival aura lieu en septembre !