Monsieur le Préfet,

mon fils a douze ans.
Chaque jour, j'ai un peu plus honte de lui apprendre où va ce pays, dit "des droits de l'homme", dit aussi "terre d'accueil".
Chaque jour, son sens de la justice l'amène à exprimer des sentiments plus amers. J'en suis à lui rappeler que derrière leur uniforme, malgré leur choix de servir par la force une logique inhumaine, monstrueuse, ce sont des personnes, d'autres humains, qui lui donnent envie d'être grossier, voire violent, et que de tels actes ne seraient pas plus acceptables que ceux qu'ils acceptent de commettre.
C'est difficile, comprenez-le, d'expliquer à un enfant sensible et généreux, au bon sens non encore raboté par les lâchetés quotidiennes, qu'il faut se contenter de quémander ce que tout être humain devrait savoir qu'il doit à ses pareils et leur offrir spontanément.

Forcer aujourd'hui à quitter le territoire quelqu'un qui pourra de toutes façons y revenir, étant marié à une française, n'a aucun sens ; sauf peut-être celui de grossir un peu reluisant tableau de chasse.
En revanche, cette personne (que j'évite de nommer afin que ce courriel vous parvienne) vient de trouver un emploi en CDI.
Son voyage imposé vers un pays où plus personne ne l'attend, aura en fin de compte pour principal effet de lui faire manquer cette occasion de stabiliser sa situation, et peut-être même, de "mériter" un jour une tranquillité définitive au regard de vos services (ce qui lui permettrait au passage de vivre de nouveau avec son épouse).

Dans l'espoir que le regard que mon fils porte sur ce monde se fasse, le temps d'une nouvelle réconfortante, un peu moins dur, je vous prie, Monsieur le Préfet, de reconsidérer la situation faite à la personne dont je vous parle et d'annuler l'obligation qui lui est faite de quitter l'endroit qu'il a choisi pour vivre.

Voulant croire que vous ne serez pas insensible à mon appel, je vous adresse, Monsieur le Préfet, mes salutations d'être humain à être humain.