Je ne veux plus avoir à dire aux femmes qui sont dans des relations malsaines, enfermantes et abusives, que la réalité dans laquelle on les force à vivre n'est que la projection de l'imaginaire d'un type qui veut les statufier à une place d' "épouse idéale", quitte à les nier, les violenter psychiquement voire physiquement.

Je ne veux plus avoir à regarder des femmes se débattre avec "Je sais que c'est vrai, mais si je lui dis, il va juste me répondre telle chose illogique et dégueulasse et le débat sera clos." Je ne veux plus avoir à faire comme si elles avaient la moindre petite chance d'obtenir un vrai dialogue avec leurs connards de mecs et d'obtenir une relation saine avec eux.

Je ne veux plus avoir à dire à quelqu'une que si quelqu'un l'empêche de respirer, elle n'a pas à se soucier de le décevoir dans son immense amour. Je ne veux plus avoir à lui répéter trente fois en deux heures qu'être respectée en tant que personne passe avant les exigences délirantes de son mec, et à sentir qu'elle n'est toujours pas sûre de vouloir mettre ça en tête de ses priorités.

Je ne veux plus entendre parler de légitimité biologique à la violence masculine et à la docilité féminine. Je ne veux plus avoir à emmener personne aux urgences à cause du sexisme.

Et ça ne commence pas à vingt ans. Les femmes sont programmées dès l'enfance pour tomber dans le panneau. Et ça ne commence pas non plus avant la naissance. Il n'y a pas de gène de la femme battue. Et ça ne concerne pas un certain type de personnalité. Tout le monde peut se faire avoir, même des hommes d'ailleurs. Le seul facteur vraiment significatif dans la violence conjugale, c'est cette éducation genrée de merde.

Quand vous voyez un gosse, écoutez-vous penser à lui. Essayez d'imaginer ce que vous penseriez si c'était une fille au lieu d'un garçon, un garçon au lieu d'une fille. On baigne tellement dans le double standard que la plupart du temps on ne voit même pas qu'on fait une différence. Faisons une parenthèse pour parler du double standard.

A l'école, vous vous souvenez ? Les filles et les garçons étaient traités pareil, exactement pareil. Pourtant, quand on mesure le temps d'attention, le temps de parole auxquels chaque élève a droit, les garçons en obtiennent deux fois plus que les filles. Ce n'est pas qu'à l'école. Choisissez une anecdote à propos d'un gosse et écrivez-la avec un prénom féminin et avec un prénom masculin. Faites circuler les deux versions autour de vous. Lequel a raison de s'exprimer, de gagner en autonomie ? Laquelle devrait penser à tout le mal que se donnent ses parents et être plus sage ?

Voilà pour le double standard. Pour que ça commence le plus tôt possible, on prend soin d'expliciter visuellement le genre attribué à l'enfant. Les T-shirts Hello Kitty et autres babioles roses à paillettes dont on pare les petites filles me font gerber. Je les vois comme des pancartes annonçant : vous pouvez traiter cette personne comme quantité négligeable, la réprimer si elle s'exprime ou s'autonomise et lui apprendre à faire passer le désir d'autrui avant ce qu'elle veut vivre.

Bon, je suis super en colère alors je vous raconterai une autre fois comment on fabrique une cage pour femme battue, comment on la fait entrer dedans, et surtout pourquoi elle ne sort pas si on ouvre la porte. C'est un truc qui donne vraiment l'impression que les femmes battues sont stupides et ne veulent pas être aidées. Si vous êtes impatient's de savoir la suite, ou si vous en éprouvez le besoin pour une quelconque raison, je vous recommande la lecture de Femmes sous emprise, de Marie-France Hirigoyen.