C'était dans quel bouquin ? Sans doute Neuromancien, une mine d'ailleurs, il faudra que j'y revienne. Dans un roman de science fiction donc, il est question d'une drogue, le BTL. Les gens préfèrent passer des plombes avec un casque sur la tête à visionner des fictions, que regarder le monde tout pourri autour d'elleux. Vous je ne sais pas, mais moi je comprends ça. Très bien même.

On peut passer vraiment beaucoup de temps à prendre du BTL, vu que la dernière chose dont on a envie, c'est de quitter son casque. Dans mon souvenir c'est un casque, une espèce de visionneuse, mais je confonds peut-être ; bref, c'est le principe : on se coupe du monde parce qu'il y a mieux, un monde sympa où personne ne se fait tuer pour de vrai, un monde sans patrons, sans soucis, où les fleurs sont toujours fraîches et où la pâte à crêpes ne fait jamais de grumeaux.

Pendant ce temps, la vraie vie continue : les factures arrivent toujours dans la boîte aux lettres, les poubelles qui n'ont pas été descendues pourrissent tranquillement, et ces désagréments, supportables quand ils sont noyés dans le cours de la vie des ihéréliens, s'accumulent et assaillent massivement l'addict dès qu'il quitte son monde idéal. Qui ne l'en est que plus. (J'aime bien ces phrases tellement truffées de pronoms qu'elles ne savent plus parler toutes seules, mais je sais que c'est fatigant à lire ; je ferai attention.)

J'y arrive : le moment où on "se déco" seulement pour parer aux problèmes les plus pressants, où la vraie vie n'est plus qu'une vaste corvée, une vaste et absurde corvée. On n'a pas attendu la technologie pour éprouver ça, mais pour y échapper autrement qu'en replongeant dans l'agitation du monde, si. Enfin presque ; les livres aussi font cet effet-là. Mais ils le font mille fois plus doucement, et quand la vraie vie nous tire par la manche, il ne faut, aux moments les plus intenses, que quelques instants pour quitter la page des yeux. Et puis un livre, on le finit.

Le monde bleu n'a pas de fin, il est toujours là, il vous attend. De vrai's gens vous attendent dans le monde bleu. Parfois illes vous reprochent votre absence. Vous leur avez manqué, illes s'inquiétaient, vous ne faites vraiment pas d'effort pour être leur ami'. Vous deviez vous connecter à 20h pour la sortie guilde. Vous n'allez pas les lâcher au beau milieu du donjon. Illes vous invitent au mariage de leurs persos. Ce visage de l'addiction ressemble un peu à un comptoir de bar ; entre accros, on se comprend, on se rassure.

Il y a deux ou trois ans on m'a parlé d'une joueuse de WoW qui est restée connectée une semaine entière et qui a été retrouvée morte, sans doute de faim et de fatigue ; Je n'ai pas cherché à connaître les détails mais je l'imagine, figée devant son écran, les mains encore posées sur le clavier. Bon, je n'en suis pas là. D'abord, je ne joue pas à WoW. Non là je blague.

J'ai une vie, une real life qui m'intéresse assez pour que je préfère jouer à celle-là qu'à la fausse, une vie avec de vrais gens, un surtout qui me décolle doucement de l'écran quand je commence à fondre. Pour la vivre, et parce que devenir un squelette aux yeux carrés et bleus ne me sourit guère, je voudrais "arrêter". La dépendance physique existe, certes, mais le sevrage n'est rien ; quelques vertiges, les tempes froides, des tremblements, qui durent moins de 48h. L'autre, en revanche...