Mon ami Joël, alias Le Lapin Osaka, m'a conté une amusante aventure qui lui est arrivée récemment. Je me marre, donc je narre :

burette

Après avoir utilisé un piston à haute pression, Le Lapin Osaka voulut le graisser. Pour ce faire, il existe une méthode, dite de la cuillère à café, qui implique de sacrifier une cuillère à café ordinaire pour verser un petit volume d'huile de vidange à l'intérieur dudit piston.
Mais une pénurie de ces aimables objets sévit chez lui depuis assez longtemps pour approcher maintenant le seuil critique (de une cuillère, qui imposerait une parfaite alternance entre lavage et usage, voire de zéro cuillère, mais je préfère ne pas y penser). C'est ainsi, m'expliqua-t-il, que l'idée lui vint de se procurer cet ustensile si pratique : une burette.

Une petite burette en cuivre avec un bec coudé, et sur le dessus de la poignée, un poussoir qui ferait pfhht, pfhht quand on appuie dessus serait idéale, mais tout autre modèle lui conviendrait, pourvu qu'il soit raisonnablement fonctionnel.
Le Lapin Osaka se rendit donc au garage Citroën en face de la boulangerie, de l'épicerie et de la pizzeria. Il était près de sept heures, et après avoir fait le tour de l'atelier désert, il ressortit sans avoir vu personne, et sans burette.

Avisant alors le bric-à-brac entassé à côté du garage, Le Lapin Osaka eut l'idée d'aller demander au brocanteur si, par une plausible bonne fortune, il n'aurait pas une vieille burette à lui vendre.
Non ! Lui répondit le brocanteur, un grand costaud dont les favoris ne déparaient pas son pantalon de velours et sa chemise de bûcheron. L'abrupt refus fit sursauter son chaland, notre Lapin, qui s'était laissé distraire par une vieille enseigne, un grand U provenant probablement du resto U.
Tout en contemplant une caisse où voisinaient pieds de lampes, bouillottes, timbales et pompes à vélo, Le Lapin Osaka insista : parmi tous ces objets, qui sait ? Une petite burette pourrait facilement s'être cachée et faite oublier...
Le brocanteur répliqua avec fermeté : Non, il n'y a pas de burette ici, c'est impossible !

Puis il se radoucit pour expliquer : c'est à cause des collectionneurs, vous comprenez. Il y a des collectionneurs de burettes à Besançon. Plusieurs. Ils passent souvent, pour être sûrs de ne pas s'en faire souffler une par un autre collectionneur.
L'un d'eux en a plus de deux cents, ajouta-t-il pour bien montrer au Lapin qui l'écoutait d'un air dubitatif, à quel point c'était chose sérieuse que ces collections de burettes. Ils me prennent toutes sortes de burettes. Comme la burette culbuto que j'avais encore hier ; vous savez, celles qui sont lestées pour pouvoir être jetées dans un coin sans se renverser. Des burettes de toutes les tailles. Des burettes dont la marque est gravée sur le poussoir. Des burettes en alu, en étain, en plastique, en acier, en cuivre, en laiton,...

Il aurait pu, sans doute, poursuivre encore longtemps sa litanie des burettes, décrire toutes ces burettes qu'il ne pourrait pas procurer au Lapin Osaka, dont les désirs en matière de burette étaient pourtant si modestes. Ce dernier haussa les épaules. Une petite cuillère de plus ou de moins, finalement...