L'enragé'

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Tag - discours dominant

Fil des billets

jeudi 7 juillet 2011

Hétérosexisme et homophobie

L'homophobie ? Si l'on en croit le nombre de gens qui commencent une phrase par "Je ne suis pas homophobe", presque personne n'est homophobe. Hélas, le mot suivant est souvent : mais. "Je ne suis pas homophobe, mais..." Mais là c'est ma fille. Mais c'est pas naturel. Mais qu'iels élèvent des enfants, non. Mais je comprends celleux qui le sont. Mais je dis pédé quand j'en ai envie.

Si je suis en colère contre vous et que je vous traite de trader ou de préfet, j'affiche en même temps l'opinion selon laquelle il est déshonorant de l'être. L'homophobie, ce n'est pas seulement quand on traite un' homosexuel' de pédé, c'est aussi quand on traite Sarkozy de pédé. Ou quand on se récrie "Ch'suis pas un pédé !". L'usage tend à remplacer pédé (trop ouvertement homophobe ?) par enculé, et tout en le niant associe les deux mots.

Et là vous m'expliquez que oui mais non, vous quand vous dites ça, c'est de l'humour. L'adolescent' qui est passé' à portée d'oreille quand vous le disiez apprécie sans doute l'humour, mais ce qu'iel a entendu, pour la quinzième fois de la journée, c'est quelqu'un' qui considère infamant d'être homosexuel' et le clame. Le suicide est particulièrement fréquent chez les adolescent's ; il l'est trois à sept fois plus chez les adolescent's homosexuel's ou transgressant le genre. Cela ne fait pas de vous un' meurtrier', vous lui avez juste mis une claque de plus.

L'homophobie, c'est le rejet et l'agressivité envers les homosexuel's, soit directement, soit à travers des mots qu'on emploie parfois sans y penser. C'est des préjugés sur leur caractère ou leurs capacités, comme le sexisme qui commence par supposer les femmes faibles, bavardes, etc, et finit par en tirer des conclusions pratiques comme la condescendance galante ou l'habitude de leur couper spontanément la parole.

Et l'hétérosexisme ? C'est toute idée ou attitude fondée sur la primauté de l'ordre hétérosexuel et sexiste : ce qui est normal, c'est d'être un hétérosexuel. (Les femmes sont normales mais le masculin étant l'universel, elles viennent en second. Leur orientation sexuelle n'est pas importante, puisqu'elles sont d'abord objets d'une attirance hétérosexuelle.) Outre l'homophobie et le sexisme, l'hétérosexisme, c'est cette violence symbolique de supposer "en toute innocence" l'hétérosexualité partout où l'homosexualité n'est pas affichée. C'est faire de la réalité biologique de la conception plus qu'un détail technique et parler de "complémentarité des sexes".

L'hétéronormativité ? C'est le fait de trouver partout la norme hétérosexiste, sans y prendre garde quand justement on est "normal' ", et avec exaspération quand on ne l'est pas : il faut alors expliquer "son cas", se justifier, et finalement, vivre en permanence son écart à la norme comme un handicap. C'est cette normativité qui nous confronte à des formulaires où "notre" case n'existe pas ; quand la fiche de l'école part du principe qu'un' enfant a "un papa et une maman", les autres n'ont qu'à raturer, écrire dans les marges... et entendre qu'iels sont autres, hors-norme, c'est à dire anormaux.

L'hétéronormativité, c'est aussi le couple. Il est courant de demander à une jeune femme "si elle a un copain" ou à un jeune homme "si il a une copine", comme si iel était nécessairement hétérosexuel' et ne pouvait avoir qu'une relation de type couple. Le célibat étant pris en compte à titre d'accident de parcours et le libertinage, le polyamour ou une liaison purement sexuelle constituant des suppositions infamantes, surtout pour les femmes.

Admettez-le : vous êtes hétéronormé' et la plupart de vos comportements sont hétéronormatifs. Depuis le temps que j'essaie, je ne prétends pas m'être débarrassé du quart de mon hétéronormativité. Ce n'est pas un reproche, seulement une invitation à vous en soucier.

vendredi 22 octobre 2010

De la correspondance entre organes sexuels masculins et féminins

Dire que « les garçons ont un pénis et les filles ont un vagin » me semble à peine moins nocif que la version précédente : « Les garçons ont un pénis et les filles n'en ont pas ». Un vagin, la belle affaire. La vérité, c'est que si les garçons ont un pénis, les filles ont un clitoris.
Pourquoi dit-on aux filles qu'elles ont un vagin ? Pourquoi ne leur dit-on pas qu'elles ont un clitoris ? Voilà deux questions intéressantes.

Pourquoi le vagin serait-il l'équivalent du pénis ?
Si l'on se place du point de vue de la reproduction, certes, les femmes ont un vagin, au fond duquel le pénis dépose son sperme, qui remonte aussitôt plus haut pour féconder l'ovule et former un embryon qui s'installera lui aussi plus haut, dans l'utérus. Neuf mois plus tard, on reparlera du vagin pour quelques minutes, comme lieu de passage de l'enfant naissant.
Où est-ce que le rôle du vagin est prépondérant dans tout ça ? En fait, le vagin n'a une telle importance que pour permettre au pénis de remplir ses fonctions, de reproduction et surtout de plaisir masculin.
Si l'on se place du point de vue du plaisir, motivation beaucoup plus présente dans les rapports sexuels humains que ne l'est la reproduction, le plaisir féminin existe aussi au niveau du vagin, mais pas le moins le monde grâce à lui : si ses parois étaient abondamment innervées, chaque accouchement serait dramatique !
En réalité, elles sont à peu près inertes et le coït vaginal ne fait que stimuler le clitoris à travers. Les femmes préfèrent souvent une stimulation indirecte du clitoris, mais les parois vaginales sont beaucoup plus épaisses que ne l'est le capuchon du clitoris, une culotte, ou pour donner un exemple qui parle aux hommes, un préservatif.
En définitive, le coït vaginal n'a d'importance dans la sexualité des femmes hétéro que parce qu'il compte beaucoup pour leur partenaire.

Pourquoi le clitoris n'est-il pas présenté comme l'équivalent du pénis ?
Encore faut-il connaître son existence. Le clitoris est un organe féminin dédié au plaisir, qui mesure environ huit centimètres, comporte huit mille terminaisons nerveuses (le pénis en comporte quatre à six mille pour une plus grande surface), se dresse et double de volume quand il est excité.
Tout cela le rend bien proche du pénis, même si ce dernier est chargé de plusieurs fonctions qui sont remplies par des organes féminins distincts : miction, plaisir, procréation. L'autre différence considérée comme cruciale tient à la façon dont l'organe se détend après l'orgasme ; là encore, les femmes ont été bien servies par la nature. Toutefois, ce ne sont pas ces raisons qui sont mises en avant pour refuser au clitoris un statut équivalent au pénis.
D'ailleurs, aucune raison n'est vraiment donnée ; la plupart du temps, on se contente simplement de l'ignorer. C'est d'autant plus facile qu'on explique aux petites filles qu'elles ont un vagin (sous-entendu : rien d'autre qu'un vagin), organe de grandes personnes qu'elles n'ont pas besoin de connaître, et qu'on leur apprend à être honteuses de leur vulve, présentée comme un unique organe servant surtout à faire pipi, que ses plis rendent en permanence suspecte de saleté.
Par la suite, elles commenceront souvent à découvrir leur corps selon l'intérêt qui lui sera porté par un garçon, auquel on aura appris que c'est son pénis qui sert à faire l'amour aux femmes et expliqué la bonne façon de s'y prendre. Pas étonnant si il se focalise sur le vagin de sa partenaire. Il ne s'agit même pas d'un malentendu : cette perception faussée du corps des femmes est hélas couramment partagée par les principales intéressées !

Mais je me suis laissé' emporter et n'ai pas encore répondu à cette double question : pourquoi est-ce ainsi que l'on présente les choses, aux enfants et même aux adultes ? La réponse est bien évidemment politique : le vagin est présenté comme central pour mettre le corps des femmes au service du plaisir masculin et de la procréation.
Au contraire, le clitoris pose la question d'un plaisir donné à l'autre, non par la magie d'une baguette dont seules les dimensions importeraient, mais par des caresses où l'attention à la personne de l'autre est très largement requise. Dans ce contexte, le coït vaginal pourrait prendre sa juste place : l'un des moyens donnés aux amants hétérosexuels de partager du plaisir.

samedi 30 janvier 2010

plus jamais

Condamner le viol est nécessaire, mais la volonté d'insister sur la gravité des faits n'autorise pas à dire n'importe quoi. Dire, par exemple, qu'une personne ne sera "plus jamais la même" après un viol, n'est qu'une violence supplémentaire faite aux victimes. Comme l'explique Virginie Despentes dans King-kong théory, cette prédiction est fortement auto-réalisatrice. Sans nier la violence subie, dire aux victimes qu'elles mettront un certain temps à retrouver une vie normale, mais que le souvenir qui les tourmente pourra un jour n'être plus qu'une vilaine cicatrice, me semble plus sensé et plus réconfortant que la poignée de sel dont on frotte leurs blessures au seul bénéfice d'un ordre social qui régente strictement le sexe acceptable et la valeur de la marchandise sexuelle "femme".

Même dans des conditions plus ordinaires, qu'en est-il de la permanence de ce qu'est un être humain ? Nous vivons, nous changeons à chaque instant, pourtant seules certaines de nos expériences sont réputées avoir cet immense pouvoir sur nous : nous changer à jamais. En mal, évidemment. En termes de pure logique, il est donc vrai qu'on ne sera "plus jamais lea même" après un viol, comme après une bonne baise, un café ou un trajet en bus. En comptant quelques années pour se remettre d'un viol traumatisant (Je vais en faire hurler plus d'un' avec cet adjectif mais c'est comme ça : certains des viols que j'ai subi ne m'ont pas du tout traumatisé', c'était juste désagréable.) il est évident que la personne aura changé, puisqu'elle aura vécu des tas d'autres choses pendant ces années-là. Mais ce n'est pas ce que veulent dire celleux qui décident à la place des victimes comment elles vont vivre ensuite.

Ce qu'illes disent, c'est qu'un viol est un événement spécial, différent de tout le reste, qui étendra son ombre sur toute la vie de la victime. Heureusement, c'est complètement faux. Environ un tiers des femmes subissent une agression sexuelle au moins une fois dans leur vie, aujourd'hui en France et en s'en tenant à la définition officielle qui exclut notamment la violence médicale. Vêtues de noir, ces femmes rasent les murs et fondent en larmes sans raison le reste de leur vie durant. Ou pas. Beaucoup échappent à la condamnation des victimes à une vie "brisée", "diminuée" et tutti quanti, parce qu'elles évitent la funeste qualification en ne nommant pas ce qu'elles ont subi. Quelques-unes le nomment et s'en remettent malgré la compassion générale.

Je me souviens très bien de ce moment : je raconte à une amie et à son petit copain comment des garçons m'emmenaient dans des caves quand j'étais ado. J'ai dix-huit ans, j'essaie de comprendre ce qui s'est passé, de trouver un sens à mon comportement d'alors qui me semble inepte. Ils ne me forçaient pas, au contraire ils avaient grand soin à chaque fois de me faire dire "oui", alors que ce que j'éprouvais leur importait peu. Maintenant je sais ce que je faisais : ce qu'on attendait de moi, tout simplement. Ce que la société en me désignant comme objet sexuel, ma mère en m'inculquant que la volonté d'autrui est toujours prioritaire, ces garçons en exprimant leur volonté de m'utiliser comme objet sexuel, attendaient de moi. La mention d'un comportement semblable dans un document sur les tournantes, accompagnée d'une tentative embarrassée pour l'expliquer, a achevé de me délivrer du questionnement morbide dans lequel m'avait laissé ce "consentement".

Je raconte ces choses pour la première fois, et ça me soulage. Peu après, le copain sort de la pièce. Mon amie m'explique qu'il est en colère à cause de ce que j'ai raconté, en colère contre ces types et pas contre moi (la précision était bienvenue). Je suis confondu' : quelqu'un prend mon parti, à moi, contre ces autres que j'avais cru jusque-là plus légitimes. Cette colère m'a permis d'aller mieux. Elle m'a dit qui avait eu tort, et même, où était l'ensemble des torts, et elle me l'a dit sans hauts cris, sans protestations effarouchées, sans prédictions terribles.

Oui, il faut du temps. Mais un viol est une violence parmi d'autres violences possibles. Cela fait plus de deux ans que j'ai cessé de travailler pour un dangereux déséquilibré. Cet automne, j'ai découvert que j'étais devenu' épileptique à cause du stress, et j'ai recommencé à imaginer pendant des heures que je tuais mon ancien patron de toutes les manières possibles. Cela m'arrivait souvent au début, et il faut croire que cela peut encore se reproduire. Peut-être bien qu'il me reste aussi quelque chose de la paranoïa, de la réceptivité aux signaux inhibants, de la perte de confiance en moi et autres joyeusetés que ce type m'a fourrées dans le crâne. Et alors ? Je suis moi, la personne qui vous parle, et non une version dégradée d'une autre personne que je devrais être.

dimanche 23 août 2009

Un luxe

Dans les romans, dans les films, toujours le même luxe ; les personnages principaux sont empreints des manières "nobles" de la classe dominante, bien vêtus, ils évoluent dans des endroits spacieux et confortables, ils se font servir. Tout cela contribue à l'agrément de l'histoire, je le sais. Je m'en souviens : il y a si peu de temps, cela ne m'irritait pas comme maintenant.

Cet air qu'on leur donne, de mériter tout le respect du monde par les avantages "naturels" que confère une éducation privilégiée, justifie aussi qu'ils se permettent toutes sortes d'abus de pouvoir. Ce qui est permis à Jupiter ne l'est pas aux vaches, se lamente Io, mais personne ne l'écoute.

Pourquoi nous autres pouilleux acceptons-nous, désirons-nous qu'il en soit ainsi ? Quel plaisir y a-t-il à contempler de belles choses confisquées au seul profit de seigneurs, à voir commettre d'insolentes injustices ?

J'ai encore à l'oreille le ton de vénération avec lequel une guide prononçait, suçant ce nom comme un bonbon dur : Nicolas Perrenot de Granvelle. Un grand homme, plein de goût et d'idées modernes, qui a bâti un palais. Tout seul ? Oh, presque, il en a eu l'idée. De tous les ouvriers qui ont sué pour satisfaire son caprice, pas un mot. Cette pouilleuse était sous le charme ; tout est fait pour qu'elle le soit.

Une rage me prend, une rage à dévaster des palais d'un coup d'épaule. Tant qu'on acceptera de vivre dans le luxe par procuration, tous les Nicolas Perrenot de Granvelle du monde auront beau jeu de se servir, avec l'élégance que l'on sait, la classe comme on dit si bien.

C'est un luxe que nous ne pouvons pas nous permettre.

mardi 28 juillet 2009

La langue riche des riches

C'est comme le bio : c'est mieux mais tout le monde n'y a pas accès, à cette langue précise et claire qui permet d'exprimer ses idées avec justesse, de développer une réflexion poussée, éventuellement pour dire du langage qu'on emploie qu'il est un outil de luxe, souvent hors de portée des mal-né's.

Le foisonnement d'une langue est évidemment réjouissant, je suis l' premier' à défendre l'inventivité langagière comme les cultures minoritaires. La domination culturelle du français classique est bien remise en cause : les patois, les argots, toutes sortes de langues et de langages ont gagné une certaine considération.

Hélas, aucun n'est aussi performant que le français classique. On ne peut pas traduire Judith Butler en créole, sans importer une grande quantité de termes inexistants en créole. Je ne crois pas que l'inverse soit vrai, qu'il existe ou puisse exister un ouvrage important, aussi cruellement intraduisible vers une langue classique.
On ne peut pas non plus dissocier l'excellence d'un outil et les avantages qu'en tirent celleux qui le possèdent.
On peut souhaiter distribuer cet outil à tou's, mais cela revient à soutenir les valeurs dominantes. J'en suis là parce que cela me semble une moins mauvaise solution.

mercredi 15 juillet 2009

Toutes des salopes... sauf les putains

Si vous m'avez suivi', toutes les femmes sont des salopes, tandis qu'elles ne sont évidemment pas toujours des putains. Être une putain signifie qu'on pratique le sexe contre de l'argent, librement s'entend (les victimes de la prostitution forcée sont des esclaves et ne gagnent pas leur vie) aussi librement qu'on choisit n'importe quel métier, c'est à dire le plus souvent pour obtenir l'argent dont on a besoin.

Peut-on opposer la salope et la putain ? Les lesbiennes, dit Monique Wittig, ne sont pas des femmes. Et si les putains n'en étaient pas non plus ? La salope est pénétrée, c'est ce qui la caractérise. Ou plutôt, la nuance est de taille, pénétrable. Légitimement, par n'importe qui (n'importe quel humain normal, un homme quoi) à quelques détails protocolaires près. Et la putain ? Pénétrable aussi, mais il faut payer. Pénétrable aussi, mais pas "alorsheureusable". (Il faudrait approfondir l'alorsheureusabilité, ce serait peut être intéressant et à coup sûr amusant)

Il faut s'entendre sur ce que signifie ce pénétrable. Si c'est pénétrable tout court, sans qu'importent les conditions, alors la putain est une salope comme les autres. Mais je ne crois pas. On se donne tellement de mal avec ces quelques détails protocolaires, drague, voyage de noce, fidélité conjugale et j'en passe, ce ne doit pas être pour rien. Pénétrable, c'est possédable. Pour un soir ou "jusqu'à ce que la mort vous sépare", c'est pouvoir se dire "cette femme est mienne". Or l'amante se donne, ou la salope se prend, mais la putain se loue. Ne loue, même, que ses services. Dit-on "ma" putain ?

J'en suis là, bientôt (j'espère) la suite !

samedi 11 juillet 2009

Enculée !

Depuis le temps que je cherche à cerner le sens de ce mot : salope, j'ai fini par comprendre, sinon toutes les subtilités de la question, du moins de quoi récompenser mon acharnement.
Salope est très exactement le féminin d'enculé et signifie purement et simplement au destinataire de l'invective son infériorité de statut, par-delà des circonstances éventuellement contraires.

L'usage de salope et d'enculé est indépendant de toute réalité littérale.
J'en veux pour preuve la multiplicité contradictoire des contextes où ils sont employés : une salope serait celle qui couche, mais aussi celle qui refuse les avances, et plus généralement celle qui frustre le locuteur ou qui a le dessus sur lui. Un enculé le serait au sens littéral, mais aussi pour avoir mis le locuteur en échec, pour l'avoir baisé.
Cette image extrêmement phallocentrée va nous en dire plus. Baiser quelqu'un est unilatéral : le pénétré est le perdant, le faible, l'inférieur. Voilà qui met en lumière le véritable contenu, sexuel mais en tant que catégorie basée sur le sexe, de ce(s) mot(s) : enculé.e.

Les gens sont donc divisés en deux catégories, les pénétrés (Il serait plus exact de dire pénétrables mais de là à affirmer que les hommes hétérosexuels, théoriquement pénétrables, ne sont pas si différents, le pas serait trop aisé à franchir. Souligner la nuance comporte le risque de s'entendre répondre qu'elle n'est que provisoire... ou de se le voir prouver.) et les pénétrants, censés être supérieurs et le rappelant, notamment lorsqu'ils sont frustrés par le comportement d'un pénétré (par extension et/ou identification, enculé.e sera aussi utilisé envers les pénétrants et/ou par les pénétrés).
La catégorie pénétré regroupe les pédés (c'est à dire les homosexuels non exclusivement actifs), qui sont les enculés, et les femmes, qui sont les salopes. Mais si, bien sûr qu'elles le sont.

Femme et salope ne sont pas synonymes, mais "les femmes" et "les salopes" désignent les mêmes personnes. Jouons à un jeu qui va vous paraître idiot : écrivez votre nom. Merci, faites voir... S'il commence par une voyelle, vous êtes un meilleur, et sinon un minable. Dans ce jeu, "les gens dont le nom commence par une consonne" sont immanquablement "les minables". Vous vous révoltez, vous n'avez pas choisi les règles du jeu et ne tenez pas au qualificatif ? Eh...
Celles qu'un autre jeu idiot a caractérisées comme pénétrées peuvent alors être qualifiées d'enculés ou de salopes. Enculé est masculin, donc ce sont des salopes. Puisqu'on vous le dit : toutes des salopes.

vendredi 26 juin 2009

Le gouvernement, c'est pas des nazis, pigé ?

Ces temps-ci, le point Godwin coûte cher. Je ne comparerai donc ni les menaces et sanctions à l'encontre des instits désobéisseurs, ni les mesures d'exception d'une police-justice ignorant les droits de l'homme sous prétexte de lutte antiterroriste, ni l'ingérence de la sûreté nationale dans des travaux de recherche qui ne feraient pas rimer Islam avec violence aveugle, ni aucun des autres progrès accomplis récemment en matière de sécurité ou de performance pédagogique, avec les méthodes pratiquées sous Vichy. Ce serait mal venu.
Tiens ça me rappelle une blague tchèque :

- Quelle est la différence entre les nazis et les russes ?
- Avec les russes, tout le monde est juif.

mardi 16 juin 2009

Anarchophobie

C'est ce que sont censés éprouver les spectateurs de la propagande sécuritaire. Mais Tarnac, au grand dam des semeurs de bleusaille, n'est toujours pas un repaire de poseurs de bombes. On n'a même pas le droit de les présumer coupables ! C'est la tatillonne ligue des droits de l'homme qui nous rase avec cette vieille rengaine. Alors que la présomption d'innocence ne devrait s'appliquer, comme son nom l'indique, qu'aux innocents.

Les médias n'ont pas osé accoler des images de catastrophes ferroviaires au mot "caténaire", et se sont contentés d'un moins efficace silence sur l'absence de danger pour les passagers (le train s'arrête simplement). Trop mous ! Pourtant sur le même sujet, ils ont osé de fort jolis mélanges, comme ces images de manif' très chaude où un rond rouge entoure soudain un visage : voilà Julien Coupat, on vous l'avait dit que c'était un casseur. Sauf que c'était quelqu'un qui ne lui ressemblait même pas. On nous mentirait ? A la télé ?

Un joli mot là-dedans, c'est mouvance. Comme dans "Danger : sables mouvants." Mort horrible qui guette l'innocent promeneur. Au fait les sables mouvants, comment ça marche ? La grande encyclopédie consensuelle et néanmoins instructive dit :

Un sable mouvant type est formé d'argile, de sable fin et d'eau salée. Un tel mélange voit sa viscosité augmenter naturellement avec le temps. Si la surface est sèche, elle peut masquer la véritable nature de la zone. Il apparaît souvent comme solide jusqu'à ce qu'un choc ou une pression (due au poids d'une personne, par exemple) lui redonne sa faible viscosité (phénomène de type thixotropie).

Décidément, mouvance me plaît beaucoup.

dimanche 14 juin 2009

Politiquement correct

Et voilà, rien qu'au titre vous vous attendez à ce que je me lâche et écrive des choses vraies que personne n'ose dire. Très bien. Allons-y, n'ayons pas peur des mots : je soutiens le politiquement correct.
Choqué.e.s ?

Je vous rassure tout de suite, vous allez avoir droit à une explication. Ce n'est pas une chose qu'on peut encore dire comme ça, sans exposer ses motifs. On n'est plus dans les années 80 maintenant, et je m'en voudrais d'opprimer les décomplexé.e.s par mon intolérance sans leur fournir au moins quelque argument à tourner en dérision.

Voici une petite histoire, une histoire vraie authentiquement vécue par mézigue comme il se doit. Durant la période noire que fut mon emploi à la librairie Siloë, je tenais le coup à l'aide de l'équivalent non chimique d'un traitement anti-dépresseur : les jeux en réseau. J'avais notamment une partie sur Ogame et j'étais membre d'une alliance, à savoir un groupe de joueurs qui nouent des liens généralement très superficiels sur un forum.

Dans le monde des jeux en réseau, certains thèmes attirent tout autant les filles que les garçons, d'autres non ; Ogame est un univers nettement masculin et j'étais la seule fille de mon alliance. Cela ne posait aucun problème jusqu'à ce que l'arrivée d'une autre fille amène ce commentaire : "Hé les gars, maintenant on a deux filles dans l'alliance, attention bientôt elles vont nous faire fermer le bar." (le bar était la section du forum destinée à l'abus d'émoticônes sur le thème de la boisson)

N'appréciant pas d'être rangée ainsi dans la catégorie "filles" et opposée aux garçons (donc à l'alliance toute entière), trouvant stupide de supposer que je voudrais faire fermer le bar dont j'étais l'un des piliers simplement parce que j'étais une fille, je protestai. La réponse fut bien pire. C'est alors que j'essayai de transposer ce que signifiaient pour moi ces préjugés dans un registre où leur poids apparaîtrait plus clairement. Cela donna : "Hé les gars, maintenant on a deux arabes dans notre immeuble, attention bientôt ils vont nous faucher nos vélos."

Je n'ai pas convaincu le type en question, mais cette phrase a été une découverte pour moi. Ainsi, un cliché grossier et insultant pouvait passer comme une lettre à la poste s'il était sexiste (j'avais failli ne pas relever) et révéler des abîmes de haine et de mépris s'il était raciste. Loin de moi l'idée de minimiser la gravité du racisme alors qu'il est, comme le sexisme, plus meurtrier que jamais. Mais la phrase raciste avait incontestablement moins de chances de passer inaperçue que la phrase sexiste, la première suscitant immédiatement chez moi une réaction "touche pas à mon pote".

Cette différence correspond en effet à des années de lutte contre les idées racistes, à travers la chasse aux petites phrases qui font tant de mal : le fameux "politiquement correct". Depuis cette découverte, je tente de le faire exister au sujet du sexisme et, face à l'absence de complexes très émulée de notre karscher national, de le faire survivre au sujet du racisme.

Après, il faut bien reconnaître qu'il n'y a rien de plus barbant que le politiquement correct. Aussi barbant que la Princesse de Clèves, sans doute.

dimanche 10 mai 2009

Arsène Lupin, toujours aussi jeune ?

Voici quelques années que le héros de mon enfance a refait surface dans ma vie. Quel délice de retrouver, en filigrane d'une lecture toujours aussi rafraîchissante, le souvenir de ma première rencontre avec l'aventurier au brio sans pareil ! Cette relecture fut suivie de plusieurs autres, tant on ne se lasse pas d'habiter ces pages qui sont parmi les plus populaires de tous les temps. Jusqu'au jour où, découragée par l'épaisseur interminable du Seigneur des anneaux, je proposai à mon fils de lui faire lecture de cette œuvre à tous points de vue plus légère.
Le début fut difficile : l'emboîtement des récits, les dialogues où le locuteur n'est pas toujours désigné, le contexte vieillot jusqu'à l'exotisme désorientèrent quelques peu mon jeune auditeur. Mais très vite Lupin prit le pas sur ces difficultés, comme sur toutes celles qu'il rencontre dans ses aventures. Maître dans l'art de s'attirer les sympathies, celle de Gabriel lui fut bien vite acquise. Nous pûmes alors rire aux éclats de la confusion de Ganimard, reçu en homme du monde par son prisonnier de la Santé, subjugué par les ruses si simples devant lui dévoilées, désarmé par la gentillesse avec laquelle lui est rendue sa propre montre.

Arsène Lupin

Quelques semaines plus tard, alors que Gabriel me questionnait anxieusement sur les autres aventures de son cambrioleur préféré, nous trouvâmes dans une brocante, peu avant que la pluie ne nous trouve, toute une pile de celles-ci dont j'ignorais jusqu'à l'existence. La dame qui s'en séparait nous les céda pour trois fois rien et deux sourires ravis, heureuse de savoir que ses bouquins seraient de nouveau lus et chéris. Et nous voilà dévorants, qui ensemble, qui chacun le sien, les palpitants volumes qu'un heureux hasard nous avait procurés.
Mais si Gabriel lui voue une adoration sans réserve, une ombre se glisse maintenant entre le merveilleux gentleman et moi. Outre que certaines pages furent l'objet de soins insuffisants de la part de l'auteur, qui laisse çà et là des lourdeurs, voire des répétitions, l'œuvre de Maurice Leblanc est plus datée qu'il n'y paraît à première vue. On y trouve des propos sur les femmes qu'il me déplaît de lire, et plus encore de faire entendre à mon fils sans quelque commentaire -qui l'agace terriblement et ne le convainc pas- un patriotisme qui fleure bon la naphtaline, et surtout, omniprésent, un culte absolu voué à la classe dominante, une glorification de tous ses attributs qui devient peu à peu insupportable à la lectrice la plus enthousiaste.
Si l'attitude d'Arsène Lupin face à la vie, qui est de tout oser, de tout vouloir sans jamais se laisser arrêter par la crainte, est encore celle qui peut lui attirer un légitime attrait, si son refus que la propriété privée permette aux plus riches d'accaparer presque tout est un exemple qu'il faut continuer à s'approprier, pourquoi tout le mérite du brillant cambrioleur, sa légitimité même à s'emparer des richesses, devrait-elle émaner de ses origines nobles et de son aisance de gentleman ? L'homme du peuple dépeint par l'auteur, pourquoi devrait-il toujours être la brute crapuleuse, l'assassin sans scrupules ? Arsène Lupin est toujours aussi séduisant, mais comme le sont les détenteurs du pouvoir, les membres de la grande bourgeoisie qui bénéficient, encore, scandaleusement, de l'admiration de tous.

lundi 23 février 2009

Sentiments négatifs

Le bonheur, le bonheur, le bonheur. Est-ce qu'il n'y a rien d'autre ? C'est comme ces pitoyables tentatives de description du paradis, qui donnent envie d'aller n'importe où ailleurs. Le malheur fait partie de la vie. La tristesse, la peur, la douleur, le doute, la lassitude, la colère, la solitude, sont comme les couleurs d'un autre arc-en-ciel, moins bisounours mais tout aussi riche et intense. Pourfendez le vicomte, mais alors prenez bien soin de vous débarrasser de la moitié qui vous gêne ! Elle ferait de l'ombre à la part que vous avez choisie. Avant de les dire vos ennemies, demandez-vous, sans ces calamités, ce qu'il vous resterait à vivre.

mercredi 21 janvier 2009

sarkose

L'autre matin, ma voisine m'a interpelé pour me questionner au sujet de la porte de l'immeuble : quelqu'un la bloque avec le paillasson, que ça abîme et surtout, si on a une porte comme ça (façon blockhaus) c'est pas pour la laisser ouverte. Avec tout ce qui arrive...
Ah bon, avec tout quoi au fait ? Tout ce qu'on raconte à la télé ? Avec tout ce qui arrive, comme les gens qui meurent de froid dehors ? (J'ai dit les gens ? Excusez le lapsus, je voulais dire les SDF.) Ou comme les enfants-endives bouclés à la maison parce qu'avec tout ce qui arrive, on ne peut pas les laisser se promener.
Mais je suis d'accord au fond : avec tous ces gens qui votent Sarkozy, non pire ! Qui croient ce qu'il dit. Avec ces patrons qui se permettent tout, ces flics qui paradent, c'est sûr qu'on ne sent pas tranquille.