L'usage du mot enculé comme insulte est l'une des violences normatives les plus répandues, je ne m'y fais pas et il paraît que c'est mal. Je proteste gentiment, une fois, deux fois, dix fois. Et puis je m'énerve : je demande à l'insupportable perroquet pourquoi il est si fier d'être puceau du cul, je lui rappelle que l'hétérosexisme tue, et là, paf, je suis un' fanatique.
J'explique que mon indignation est de même nature que celle que peuvent causer des propos racistes -par bonheur nous avons au moins ça en commun- mais il ne reviendra pas sur le terme. Fanatique. Même pas mal.
L'humour qu'il partage avec ses copains ne m'est pas accessible, je suis l'emmerdeur' de service, le dragon qu'on évite de réveiller tout en échangeant des regards complices dans son dos. Et puis merde. Pourquoi j'essaie ? De quoi est-ce que j'espère convaincre des gens comme lui ?
On peut tirer l'échelle, alors je me tais. C'était le but. Je vais digérer ça dans mon coin et essayer d'avoir encore un peu de niaque la prochaine fois, de ne pas écouter la petite voix qui me dit de laisser pisser au lieu de pourrir l'ambiance et de m'attirer des insultes pareilles, tout ça en vain. Fanatique. Merde alors !