Des gens passent dans la rue, bavardant gaiement, mais je n'entends que leurs semelles qui battent le pavé bien en rythme. Je pense : des français', et c'est une drôle de pensée. Quand je me laisse aller, l'autre, c'est Superdupont, c'est cellui qui marche avec assurance au milieu des patrouilles, fier' de son droit à se faire exploiter légalement, indifférent' au fait qu'à six heures du mat' quand ille est tranquille sous sa couette, des flic's débarquent chez des gens, brisent des vies pour une histoire de papiers. Illes font leur boulot, non ?

On a la même nationalité les français' et moi, j'ai cette chance et cette honte, mais je ne me sens pas "chez moi" ici. Que j'aie ou pas un autre pays en tête, qu'est-ce que ça change ? Je suis étranger' à Superdupont, à Sarko, à chaque ville qui veut devenir "propre" en virant ses SDF et ses putes, à chaque bled où les rideaux retombent au passage d'un' jeune à la peau dorée, à chaque rue où on entend les gens marcher au pas. Ne m'expulsez pas, s'il vous plaît, ce n'est pas mon pays mais c'est pas mieux ailleurs et c'est ici que je vis.

Qu'est-ce que ça change, mes "origines" ? Mais si, bien des choses : je peux me permettre mon antinationalisme sans risquer qu'il soit utilisé par les nationalistes, et je peux me dire étranger' sans redoubler la souffrance de me l'entendre dire haineusement. Confortable révolte que celle du dominant.