Que sont les examens pour les étudiants ? Que sont-ils pour les enseignants ?

Depuis longtemps, les enseignants disent ne pas vouloir pénaliser les étudiants, ce qui se comprend. Mais aujourd'hui, ce sont les étudiants qui leur demandent d'aller jusqu'au bout de leur engagement dans cette lutte en ne tenant pas ces examens, et les enseignants refusent. Deux interprétations sont possibles :

Les étudiants, inconscients ou paresseux, ne font pas cette demande en pleine conscience de ce que cela implique pour eux-mêmes. Cette vision paternaliste peut se défendre, mais si les enseignants considèrent que les étudiants ne sont pas lucides et qu'il faut les protéger malgré eux, il n'aurait jamais dû être question d'interrompre les cours en s'appuyant sur la mobilisation étudiante. Avons-nous été utilisés par nos profs, comme certains le prétendent ? Je ne le crois pas.

Les étudiants, déterminés à sacrifier le savoir, le sont aussi à sacrifier... quoi au juste ? Le bout de papier ? Personne n'envisage un semestre blanc. La crédibilité de leurs diplômes ? Aux yeux des personnes non averties, c'est chose faite avec cette longue grève des cours. Aux yeux de ceux qui connaissent bien l'université, l'absence de cours comptera certainement, mais pas le mode d'évaluation. Quelqu'un qui est capable de valider cinq semestres est capable d'en valider un sixième, quel que soit le mode d'évaluation. Alors ? Où est le sacrifice étudiant dans la validation alternative ?

Et si la non tenue des examens, contrairement aux apparences, ne pénalise pas les étudiants, quelle est la cause du refus des enseignants ?

Les examens, d'une autre manière, sont depuis longtemps (depuis toujours ?) aussi une évaluation et un bout de papier pour les enseignants. Les examens attestent que quelque chose a eu lieu, qui n'est pas que parole et craie, un rituel magique qui fonde, semblerait-il, leur légitimité d'enseignants. Aux yeux de qui ? De même qu'un coït interrompu, un semestre sans examens serait perçu comme de moindre importance, voire entièrement nul et non avenu.

Je suis inquiète. Est-ce cela, que vous nous transmettez ? Des diplômes ? Rien d'autre ? Au risque de me répéter, je ne suis pas venue à l'université pour le bout de papier. On en trouve de plus jolis dans n'importe quelle papeterie. On peut s'acheter de faux diplômes à partir de 120 euro sur internet. Claude Condé a rassuré tout le monde en expliquant qu'ils étaient grossièrement imités, mais je suis sûre qu'on peut en trouver de mieux falsifiés pour guère plus cher. Trois, quatre cent euro, pas plus. Si ce mouvement doit cesser pour permettre la fabrication de bouts de papier authentiques, alors oui, les universités gaspillent beaucoup d'argent.