L'enragé'

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jeudi 15 mars 2012

Cornet de glace

Il m'est arrivé une chose extraordinaire : j'ai mangé une glace dans la rue. Oui ! J'ai mangé une glace dans la rue ! Comme quoi les événements les plus merveilleux peuvent se produire à l'improviste. Sortir et m'amuser le jour de la fête de la musique, ou même manger des glaces en me fichant éperdument que ça m'ait valu un jour de découvrir ce que toute une ville pensait de moi.

Je le clame : oui, j'ai été violée et je m'en suis parfaitement remise. Oui, j'ai été jugée pour ces viols, j'ai été cataloguée comme « salope » et les gens ont essayé de m'étouffer sous l'opprobre. Ça m'a pris plus de temps -quinze ans, une paille- mais finalement je m'en suis remise aussi. Alors youpiii !

Et maintenant que j'ai mangé une glace dans la rue en pleurant, en hurlant de joie, maintenant que je sais que je pourrai manger autant de glaces que je voudrai et qu'elles seront bonnes, sans blague ! qu'elles n'auront plus jamais ce goût de plâtre, eh bien je me sens invulnérable, comme Superman : qui pourrait bien arriver à me faire vraiment du mal ?

En plus, je suis à Berlin. Outre qu'il s'y produit tellement de soirées queer que je ne sais plus où donner de la tête, les trottoirs de la ville sont une brocante permanente et gratuite. En quelques jours, j'ai trouvé dans la rue une chouette veste pour remplacer l'ancienne qui était foutue, et deux matelas : un pour chez moi et un que j'ai échangé contre un téléphone. Comme si les objets poussaient entre les pavés dès que j'en ai besoin.

Simultanément et sans doute sous l'influence magique que je sens ici, j'ai accumulé les succès les plus improbables, de « me faire relâcher spontanément par des contrôleurs securitas » (réputés les plus intraitables) à « avoir fini d'écrire un livre » en passant par tout plein d'audaces sexuelles que je ne détaillerai pas ici. Bref, la vie me sourit à la mesure de la confiance que je lui accorde.

Pour le coup, je commence à toucher du doigt une sorte de paix, à me débarrasser de ce « ça pourrait toujours être mieux » qui me hante et m'empêche de profiter de l'instant. Ma vie ne serait-elle pas exactement ce que je pourrais rêver de mieux ? Il me semble que si. Ne serais-je pas exactement la personne qu'il faut pour vivre cette vie ? Eh, whaouh ! Il me semble vraiment que si ! T'as raison, Amanda. T'as mille fois raison.

mercredi 18 janvier 2012

La violence conjugale, on peut en parler le 8 mars et le 25 novembre, mais aussi les autres jours

Je ne veux plus avoir à dire aux femmes qui sont dans des relations malsaines, enfermantes et abusives, que la réalité dans laquelle on les force à vivre n'est que la projection de l'imaginaire d'un type qui veut les statufier à une place d' "épouse idéale", quitte à les nier, les violenter psychiquement voire physiquement.

Je ne veux plus avoir à regarder des femmes se débattre avec "Je sais que c'est vrai, mais si je lui dis, il va juste me répondre telle chose illogique et dégueulasse et le débat sera clos." Je ne veux plus avoir à faire comme si elles avaient la moindre petite chance d'obtenir un vrai dialogue avec leurs connards de mecs et d'obtenir une relation saine avec eux.

Je ne veux plus avoir à dire à quelqu'une que si quelqu'un l'empêche de respirer, elle n'a pas à se soucier de le décevoir dans son immense amour. Je ne veux plus avoir à lui répéter trente fois en deux heures qu'être respectée en tant que personne passe avant les exigences délirantes de son mec, et à sentir qu'elle n'est toujours pas sûre de vouloir mettre ça en tête de ses priorités.

Je ne veux plus entendre parler de légitimité biologique à la violence masculine et à la docilité féminine. Je ne veux plus avoir à emmener personne aux urgences à cause du sexisme.

Et ça ne commence pas à vingt ans. Les femmes sont programmées dès l'enfance pour tomber dans le panneau. Et ça ne commence pas non plus avant la naissance. Il n'y a pas de gène de la femme battue. Et ça ne concerne pas un certain type de personnalité. Tout le monde peut se faire avoir, même des hommes d'ailleurs. Le seul facteur vraiment significatif dans la violence conjugale, c'est cette éducation genrée de merde.

Quand vous voyez un gosse, écoutez-vous penser à lui. Essayez d'imaginer ce que vous penseriez si c'était une fille au lieu d'un garçon, un garçon au lieu d'une fille. On baigne tellement dans le double standard que la plupart du temps on ne voit même pas qu'on fait une différence. Faisons une parenthèse pour parler du double standard.

A l'école, vous vous souvenez ? Les filles et les garçons étaient traités pareil, exactement pareil. Pourtant, quand on mesure le temps d'attention, le temps de parole auxquels chaque élève a droit, les garçons en obtiennent deux fois plus que les filles. Ce n'est pas qu'à l'école. Choisissez une anecdote à propos d'un gosse et écrivez-la avec un prénom féminin et avec un prénom masculin. Faites circuler les deux versions autour de vous. Lequel a raison de s'exprimer, de gagner en autonomie ? Laquelle devrait penser à tout le mal que se donnent ses parents et être plus sage ?

Voilà pour le double standard. Pour que ça commence le plus tôt possible, on prend soin d'expliciter visuellement le genre attribué à l'enfant. Les T-shirts Hello Kitty et autres babioles roses à paillettes dont on pare les petites filles me font gerber. Je les vois comme des pancartes annonçant : vous pouvez traiter cette personne comme quantité négligeable, la réprimer si elle s'exprime ou s'autonomise et lui apprendre à faire passer le désir d'autrui avant ce qu'elle veut vivre.

Bon, je suis super en colère alors je vous raconterai une autre fois comment on fabrique une cage pour femme battue, comment on la fait entrer dedans, et surtout pourquoi elle ne sort pas si on ouvre la porte. C'est un truc qui donne vraiment l'impression que les femmes battues sont stupides et ne veulent pas être aidées. Si vous êtes impatient's de savoir la suite, ou si vous en éprouvez le besoin pour une quelconque raison, je vous recommande la lecture de Femmes sous emprise, de Marie-France Hirigoyen.

mardi 1 novembre 2011

Boucles d’oreilles

Je sais que ces boucles d’oreilles me donnent une apparence beaucoup plus féminine, même si je n’ai fait qu’accrocher des épingles à nourrice à mes piercings. Je croyais avoir décidé de ne pas performer le genre féminin -pas plus que le genre masculin- mais le problème est plus compliqué que prévu.

On ne pourrait imaginer évitement plus radical du genre qu’une série de choix aléatoires, au moment de s’habiller comme face aux -nombreuses- alternatives binaires du quotidien, et pourtant le résultat ne serait pas au rendez-vous. Dès que serait écrit au féminin un seul adjectif, dès que serait porté le plus sobre des pulls à fleurs, rien ne saurait contrebalancer ce signe d’appartenance au « groupe F » ; la limite entre ne pas performer le féminin et performer le masculin est extrêmement ténue. Refuser le genre consiste plutôt à jouer les tomboys, en faisant attention à ne pas « passer » tout à fait.

Mais je ne le fais pas. Sans être accro aux fanfreluches, j’aime porter du rose, des vêtements moulants, des trucs qui brillent ; et j’estime que je le ferais, même si mon sexe avait une forme différente. Alors pourquoi devrais-je me l’interdire, justement dans le but de m’affranchir des contraintes du genre ? Jusqu’à présent, j’ai oscillé entre les deux attitudes sans parvenir à formuler cette alternative aussi clairement.

Est-ce que je veux privilégier mon refus du genre au point de me restreindre dans mes choix d’apparence et de comportement ? Cela reviendrait à performer le non-genre comme un simple troisième genre, avec ses propres codes, lesquels seraient définis par rapport à ceux des deux genres traditionnels ! Et pourquoi pas, à en faire une composante essentielle dans la définition de mon identité, tant qu’on y est ?

Ou est-ce que je veux laisser s’exprimer ma personnalité en piétinant allègrement les frontières du genre, mais en subissant de plein fouet l’assignation forcée qui accompagne le moindre signe permettant la classification habituelle ? Et cette personnalité iconoclaste, n’oublions pas qu’elle est imprégnée jusqu’à la moëlle par un conditionnement aussi précoce qu’intensif qui l’amène le plus souvent, plutôt que de s’exprimer, à se conformer à un genre...

mardi 18 octobre 2011

J'ai rêvé que je faisais une nuit blanche

Mon inconscient a un sens de l'humour qui n'appartient qu'à lui...

samedi 1 octobre 2011

Une soirée BD

Mon jeune voisin Basile se débrouille de mieux en mieux en dessin. Son style favori est le manga, mais il touche aussi à la peinture, au collage... Ce soir, il nous a proposé de jouer avec lui à faire des planches de BD selon un principe proche du cadavre exquis : chacun' dessine une case sur sa planche, puis la passe à saon voisin'.
En se donnant dix minutes pour chaque case, on a tout juste le temps de trouver une suite aux cases déjà dessinées et de l'esquisser. C'est un peu frustrant de ne pas pouvoir la colorier tranquillement, mais cela prend déjà une bonne heure de cette façon...

Voici la planche dont Basile a fait la première case :
(désolé' pour la qualité de l'image, il faut que je cherche un format plus performant)
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Celle que j'ai commencée :
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Et celle entamée par Gabriel :
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dimanche 25 septembre 2011

Liberty Plaza

L'occupation de Wall street par des militant's qui se réclament du printemps arabe et des mouvements populaires de Grèce, d'Espagne et d'Islande dure depuis huit jours, sans que l'information ne soit relayée dans les médias mainstream. Ce n'est pas une surprise, mais l'ampleur du silence qui entoure cette occupation d'une grande portée symbolique est tout de même étonnante.

Pour en savoir plus : le site des "99%" (de la population, qui subit les abus des 1% de privilégié's).

mardi 30 août 2011

Roses et bleus

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lundi 29 août 2011

Bousculer la norme - Le prix d'une identité choisie

Je me souviens de l'une de mes premières révoltes contre le genre. On m'a dit : "T'y arrives pas mal pour une fille". Puisque c'était un compliment, j'aurais dû être content', au lieu de quoi je poussai le manque de logique au point de me vexer et de me fâcher (les femmes sont notoirement inconséquentes et d'humeur capricieuse).

J'aurais préféré une appréciation moins positive, mais adressée à ma personne dans l'absolu. Impossible : les filles n'ont pas les mêmes capacités que les garçons, il faut bien en tenir compte pour évaluer leurs performances. C'est curieux, parce que les gens ont aussi des performances différentes suivant leur âge, et pourtant on n'a pas trouvé utile de préciser "pour ton âge".

Je pourrais m'étendre longtemps sur l'arbitraire du regard différenciateur porté sur les gens en fonction de "leur sexe". Ce que je veux raconter, c'est ce qui arrive quand on décide que la forme de son zizi n'a rien à voir avec les comportements qu'on va adopter en société, la façon dont on va se vêtir ou l'aune à laquelle on va accepter d'être jugé', et autres éléments de ce jeu de construction qui sert habituellement à produire une identité féminine ou masculine.

Quand on décide d'être soi comme personne avant d'être "femme" ou "homme" (l'assignation de genre frappe tout aussi durement celleux qui voudraient échapper au "masculin" qu'au "féminin", bien que "le féminin" constitue un handicap en lui-même), voire d'être soi tout court, on découvre un monde étrange, où rien n'est plus aisé que d'enfreindre "les lois de la Nature", mais où la facture que l'on vous présente aussitôt s'avère plutôt salée.

Même si cela peut sembler superflu, pour vous donner une idée du coût de la moindre entorse à la norme, je vais commencer par rappeler en quoi elle consiste ; ce qui est attendu de vous "en tant que femme" pour être considéré' comme normal' :

D'abord, vous devez vous percevoir et vous définir comme "femme". La féminité (ou la masculinité) étant hautement performative, se déclarer "femme" (ou "homme") est fondamental pour l'être. Cette première condition étant généralement validée de manière implicite par la réalisation de la seconde, c'est seulement quand on y contrevient formellement qu'on découvre son existence.

Deuxio, vous devez donner à voir des signes suffisamment clairs de "féminité" pour que les autres vous identifient immédiatement comme "femme". Remarquons au passage que cette compétence n'est pas une donnée si naturelle que ça : tout un apprentissage est nécessaire pour réussir cette identification, apprentissage dont le caractère obligatoire apparaît nettement dans l'effet comique produit par l'enfant de Allô maman ici bébé hésitant sur le sexe de Gorbatchev.

Enfin, vous ne devez pas présenter d'éléments trop exclusivement "masculins", même si ils ne gênent pas votre identification. Toutefois, si le port d'une robe ou de talons hauts constitue une infraction totalement gratuite et injustifiée à la performance de genre attendue d'un "homme", le port même systématique de pantalons est admis pour une "femme". Ainsi, certaines infractions ne seront sanctionnées que par une pitié paternaliste : la pauvre qui ne sait pas s'habiller, la malheureuse incapable de se résoudre à affronter le supplice de la cire...

Mais au-delà de cette marge de manoeuvre assez limitée, le sourire s'efface et la condamnation tombe : garçon manqué, femme à barbe, monstre de foire ! C'est pourquoi mieux vaut "passer" entièrement que partiellement, être perçu' comme d'un autre genre, mais bien répertorié, que laisser planer le doute. C'est le choix que faisaient les butch notamment aux Etats-Unis dans les années cinquante, quand le "travestissement" était un délit lourdement réprimé.

Quant à se soustraire à la première obligation, cela entraîne un autre type de sanction : non seulement on vous prête une santé mentale aussi incertaine que si vous prétendiez être Napoléon, mais bien sûr, on ne vous croit pas. Vous n'êtes toujours pas une personne avant d'être une femme, mais simplement "une femme qui dit qu'elle n'est pas une femme". L'incongruité de l'assertion est telle que tout le monde s'empresse alors de changer de sujet, avant qu'il ne vous prenne fantaisie d'affirmer que le cheval blanc d'Henri IV était rose fluo.

Bien sûr, ces sanctions ne sont pas aussi concrètes que celles qui sévissent encore hors du monde civilisé (plus pour longtemps, heureusement, car de bonnes âmes ont entrepris d'exporter nos moeurs policées chez les barbares). Mais pour les vivre, ces sanctions, je vais oser prétendre depuis mon insolent confort de privilégié' que cela revient pratiquement au même. Qu'une frontière invisible reste une frontière, et que la négation non seulement de votre identité, mais de tout sens à la revendication que vous en faites, peut être aussi douloureuse et destructrice qu'une lapidation.

mercredi 17 août 2011

Changer de sexe ? Si seulement...

J'ai toujours su que je ne voulais pas du genre féminin. Quand j'ai voulu faire plus que le repousser : le refuser, m'en débarrasser, j'ai d'abord essayé d'adopter le genre masculin. C'est ce qui viendrait à l'esprit de n'importe qui, non ? Mais j'ai rapidement compris que je ne voulais pas non plus des codes et des stéréotypes qui sont censés définir ce qu'est "un homme". Pas plus que de ceux qui représentent "une femme".

Quel choix me restait-il, alors ? Comment vivre, comment me présenter, quels codes donneraient aux gens le moyen de me voir tel' que je suis ? Petit à petit, deux constats me sont apparus.

Petit un : il n'y a pas de case pour moi. En tout, il n'y en a que deux, et peut-être, un peu, parfois, la possibilité de tracer une croix entre. Moi, je voudrais placer cette croix complètement ailleurs, dessiner une case en forme d'étoile ou de citron dans la marge du formulaire, sous la mention "moi, Spangle". Là, enfin, je pourrais la cocher.

Petit deux : d'autres gens éprouvent ça. Non seulement il y a des trans, mais les mots "intersexe", "intergenre", "gender blender", "gender fucker", "agenre", et bien d'autres, existent. Ce ne sont pas des mots de fiction, à propos d'hypothétiques habitant's de lointaines planètes, ce sont les mots que des gens ont forgés pour pouvoir se dire.

Des gens comme Leslie Feinberg qui me comprennent, n'ont pas de mal à penser qui je suis et savent où j'en suis, ce que je vis, ce que j'ai traversé pour en arriver là. Des gens qui disent tout ça exactement comme je veux le dire (mieux même parfois, avec plus d'idées, mais le plus important est d'entendre exprimer ce que je me sentais si seul' à vivre).

Ces gens se battent pour nous tou's. Iels parlent de nous, iels expliquent qui nous sommes aux straights, sympathisant's ou pas de la diversité des expressions de genre, et aux autres queers, avant que leurs différences ne soient prises dans une nouvelle "normalité" où nous n'aurions pas de place.

Iels clament notre existence à la face du monde, pour que celleux d'entre nous qui se croient seul's fassent la même découverte que moi, le plus vite possible. Quand j'essaie d'estimer le prix d'une seule année gagnée sur ce désert affreux, j'ai le vertige. C'est ce qui me pousse à vous écrire ce soir, en espérant que quelque part, la souffrance d'une personne face à la norme soit allégée par ces quelques mots.


***

Je voudrais faire une remarque sur les trans et le titre de ce billet. Il m'arrive de penser "Changer de sexe ? Si seulement c'était aussi simple !" Or, qu'il s'agisse de changer de sexe, de genre ou les deux, être trans n'a rien de simple dans notre belle société ouverte et égalitaire.

Rien que "l'étape" consistant à obtenir de nouveaux papiers d'identité demande actuellement de passer plusieurs années sous sa nouvelle apparence, avec son ancien état-civil, ce qui crée des situations gênantes, pénibles, voire insupportables. Traverser une salle d'attente en jupe et talons alors qu'on a appelé "Monsieur Machin". Se faire humilier voire refuser des soins par des médecins transphobes ou simplement incrédules.

Ou être incarcérée dans une prison pour hommes, puis mise à l'isolement, cette terrible punition, de manière permanente afin de ne pas (ou de ne plus) se faire violer par les autres détenus. Mais toujours sans garantie sur le comportement des gardiens.

La peur omniprésente de devoir montrer ses papiers, d'être appelé' par le mauvais prénom. Les insultes, les coups, les viols. Les clichés, les questions débiles et indiscrètes. Les discriminations dans la rue, au boulot, à l'hôpital, face à nos ami's les flics, dans sa propre famille.

Bref, je ne me permettrais pas de prétendre que la vie des trans est facile. Je veux seulement dire que ma situation est dépourvue de "case d'arrivée". Même une "case d'arrivée" avec traitement hormonal à vie, au bout d'un parcours aussi long et pénible, est pour moi un rêve inaccessible.

Je serai toujours cet funambule, je ne pourrai jamais souhaiter qu'on m'appelle plutôt "Monsieur" ou "Madame". Je n'aurai jamais que des arguments immatériels pour répondre aux nombreux rappels à l'ordre "Nan mais arrête avec ça, tu es une femme un point c'est tout." et je n'aurai toujours que ma volonté pour lutter contre l'ensevelissement de mon identité sous l'évidence imposée du genre.

mardi 9 août 2011

Nuage magique !

Alors ça y est, c'est décidé : je pars. Où ? Mais comment ça, "Où ?", pourquoi où ? Partir, ce n'est pas qu'aller... Bref. Je voulais garder ce genre de considérations pour mon nouveau blog, celui que j'ai créé exprès pour mieux vous conter mes pérégrinations. Et ce, dès maintenant, trois mois avant de quitter réellement Besançon. Décidément, je n'ai peur de rien ; puisqu'on me le dit (et je ne nierai pas que ça m'enchante de l'entendre).

A la réflexion, il est peut-être encore un peu tôt pour ce second blog. Ne vous étonnez pas si il reste peu actif ces trois prochains mois ; par contre j'ai encore des choses à dire, que je préfère dire ici (comme le billet ci-dessus à propos d'expression de genre).

jeudi 7 juillet 2011

Hétérosexisme et homophobie

L'homophobie ? Si l'on en croit le nombre de gens qui commencent une phrase par "Je ne suis pas homophobe", presque personne n'est homophobe. Hélas, le mot suivant est souvent : mais. "Je ne suis pas homophobe, mais..." Mais là c'est ma fille. Mais c'est pas naturel. Mais qu'iels élèvent des enfants, non. Mais je comprends celleux qui le sont. Mais je dis pédé quand j'en ai envie.

Si je suis en colère contre vous et que je vous traite de trader ou de préfet, j'affiche en même temps l'opinion selon laquelle il est déshonorant de l'être. L'homophobie, ce n'est pas seulement quand on traite un' homosexuel' de pédé, c'est aussi quand on traite Sarkozy de pédé. Ou quand on se récrie "Ch'suis pas un pédé !". L'usage tend à remplacer pédé (trop ouvertement homophobe ?) par enculé, et tout en le niant associe les deux mots.

Et là vous m'expliquez que oui mais non, vous quand vous dites ça, c'est de l'humour. L'adolescent' qui est passé' à portée d'oreille quand vous le disiez apprécie sans doute l'humour, mais ce qu'iel a entendu, pour la quinzième fois de la journée, c'est quelqu'un' qui considère infamant d'être homosexuel' et le clame. Le suicide est particulièrement fréquent chez les adolescent's ; il l'est trois à sept fois plus chez les adolescent's homosexuel's ou transgressant le genre. Cela ne fait pas de vous un' meurtrier', vous lui avez juste mis une claque de plus.

L'homophobie, c'est le rejet et l'agressivité envers les homosexuel's, soit directement, soit à travers des mots qu'on emploie parfois sans y penser. C'est des préjugés sur leur caractère ou leurs capacités, comme le sexisme qui commence par supposer les femmes faibles, bavardes, etc, et finit par en tirer des conclusions pratiques comme la condescendance galante ou l'habitude de leur couper spontanément la parole.

Et l'hétérosexisme ? C'est toute idée ou attitude fondée sur la primauté de l'ordre hétérosexuel et sexiste : ce qui est normal, c'est d'être un hétérosexuel. (Les femmes sont normales mais le masculin étant l'universel, elles viennent en second. Leur orientation sexuelle n'est pas importante, puisqu'elles sont d'abord objets d'une attirance hétérosexuelle.) Outre l'homophobie et le sexisme, l'hétérosexisme, c'est cette violence symbolique de supposer "en toute innocence" l'hétérosexualité partout où l'homosexualité n'est pas affichée. C'est faire de la réalité biologique de la conception plus qu'un détail technique et parler de "complémentarité des sexes".

L'hétéronormativité ? C'est le fait de trouver partout la norme hétérosexiste, sans y prendre garde quand justement on est "normal' ", et avec exaspération quand on ne l'est pas : il faut alors expliquer "son cas", se justifier, et finalement, vivre en permanence son écart à la norme comme un handicap. C'est cette normativité qui nous confronte à des formulaires où "notre" case n'existe pas ; quand la fiche de l'école part du principe qu'un' enfant a "un papa et une maman", les autres n'ont qu'à raturer, écrire dans les marges... et entendre qu'iels sont autres, hors-norme, c'est à dire anormaux.

L'hétéronormativité, c'est aussi le couple. Il est courant de demander à une jeune femme "si elle a un copain" ou à un jeune homme "si il a une copine", comme si iel était nécessairement hétérosexuel' et ne pouvait avoir qu'une relation de type couple. Le célibat étant pris en compte à titre d'accident de parcours et le libertinage, le polyamour ou une liaison purement sexuelle constituant des suppositions infamantes, surtout pour les femmes.

Admettez-le : vous êtes hétéronormé' et la plupart de vos comportements sont hétéronormatifs. Depuis le temps que j'essaie, je ne prétends pas m'être débarrassé du quart de mon hétéronormativité. Ce n'est pas un reproche, seulement une invitation à vous en soucier.

mardi 28 juin 2011

Boutin et ses amis cathos veulent censurer les programmes scolaires

La notion de genre, enfin introduite dans quelques enseignements au lycée, est attaquée par Boutin qui ne se gêne pas pour tenter de la censurer. Ce serait "un parti-pris idéologique", donc par neutralité l'école ne devrait pas l'enseigner. Prochaine étape : qualifier l'évolutionnisme d'idéologie et le concurrencer, comme le font les étatsuniens, par l'enseignement du créationnisme.

Signez la pétition de l’Institut Émilie du Châtelet pour le développement et la diffusion des recherches sur les femmes, le sexe et le genre.

mardi 26 avril 2011

Orange, le feu, mais personne ne pense qu'il faut lever le pied ?

On ignore pour l’instant les raisons de son geste. n'a pas peur d'écrire France Info. Ah bon ? On ignore pourquoi il s'est mis le feu, et pourquoi sur le parking de Orange, là où il travaillait ?

jeudi 7 avril 2011

Fukushima

Geoffrey m'a envoyé un document sur les risques et les précautions. Les doses acceptables de radiations. Les aliments, l'iode, l'eau de pluie.

En fait je ne m'inquiétais pas du tout.

Pourtant il y aurait de quoi.

Ma vieille compagne la mort me souffle qu'elle sera là au bon moment.

Sa sœur siamoise la vie ajoute que pour ce qu'elle en sait, j'aurai eu ma part.

Je pourrais m'inquiéter pour mon fils. Je devrais. Il paraît. Mais voilà, jeter un gamin dans la vie, c'est déjà tellement...

Hazardeux.

Oups. J'ai pas pu m'empêcher.

Un peu de sérieux, merde, on parle de Fukushima. Quand même. On parle de Fukushima et moi, je ne m'inquiète pas.

J'essaie, pourtant. J'essaie. Je n'y arrive pas.

mercredi 30 mars 2011

Sur le travail du sexe #1 L'école est sexiste, abolissons l'école ?

Dans « travail du sexe », il y a « travail », il y a « sexe », et il y a un sexisme qui, nous le verrons, n'a rien de spécifique à ce domaine. Les discussions sur le travail du sexe ont tendance à entremêler ces différents aspects, qui peuvent pourtant être envisagés séparément.
Les idées abolitionnistes sont-elles remises en cause sur l'un de ces points ? Les autres prennent le relais, et l'impression que le travail du sexe est une mauvaise chose reste (souvent sans que la raison de cette conviction soit claire). C'est pourquoi je voudrais argumenter sur chaque question, en vous demandant de les considérer séparément.

#1 L'école est sexiste, abolissons l'école ?

Comme l'indique le titre de cette partie, abolir le travail du sexe pour cause de sexisme serait jeter le bébé avec l'eau du bain. Tout, dans notre société, est sexiste : l'école, le mariage, le travail, la publicité, la médecine...
Le langage lui-même est l'un des premiers vecteurs de violence symbolique et de représentations sexistes, et nous ne pouvons ni l'abolir, ni le réformer profondément.

Le travail du sexe n'est pas sexiste par essence, mais par le contexte social dans lequel il est exercé. Il y a dans toute la société une asymétrie des rôles féminin et masculin, qui ajoute la domination à la domination : l'hôtesse de l'air en tailleur et talons vertigineux qui sert un cocktail au PDG voyageant en première classe est prise dans le même rapport de domination que la pute qui fait du sexe avec un client.
Dans le travail du sexe comme dans cet exemple, le problème est double : c'est du travail, avec tout ce que cela implique de malsain et de coercitif, et c'est sexiste, car les rôles ne sont pas répartis équitablement entre hommes et femmes.

Abolir le travail tel qu'il existe dans notre société, je suis tout à fait d'accord. (Pas vous ?) Mais abolir un travail, une activité, parce qu'elle est sexiste ? A l'école, ma mère avait couture pendant que les garçons faisaient de la menuiserie. On n'a pas aboli l'école, on a décidé de donner les mêmes cours à tout le monde.
Ce qui ne suffit pas : les garçons ont toujours droit à substantiellement plus d'attention et d'encouragements en classe que les filles, sans parler de la persistance des stéréotypes sexistes dans les enseignements. Mais le travail du sexe peut tendre vers l'égalité comme l'école tente de le faire.

Comment lutter contre le sexisme dans le travail du sexe ? En partageant mieux des rôles qui sont potentiellement interchangeables. Les hommes sont déjà présents dans le travail du sexe, quoique minoritaires à cause de la moindre demande. Il faut encore que les femmes arrêtent de se censurer sexuellement et qu'elles s'autorisent à faire appel à des services payants pour leur bien-être sexuel, tout comme elles vont chez le kiné, se font couper les cheveux ou servir dans un café.
Un mythe tenace voudrait que les hommes aient des besoins sexuels particulièrement pressants qui justifieraient le recours au sexe payé, tandis que les femmes pourraient s'en passer. C'est absolument faux. Par contre, il est tristement vrai que les femmes ont appris un rôle dans lequel leurs propres désirs ont très peu de place, et passent rarement en premier. C'est là que réside tout le sexisme.

mercredi 23 février 2011

Encore une loi sécuritaire qui risque de passer inaperçue

Masqué par une appellation toute séduisante : « Projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge », il a été adopté au Conseil des Ministres du 26 janvier 2011 et va être débattu au Parlement au printemps.
Trente mille personnes ont signé l’Appel contre La Nuit Sécuritaire, lancé en réaction au discours du président de la République le 2 décembre 2008, qui assimilait la maladie mentale à une supposée dangerosité. À nouveau, le Collectif des 39 en appelle à l’ensemble des citoyens.
Ce discours promettait un traitement sécuritaire des malades mentaux. Il a depuis largement pris corps dans la pratique quotidienne : les lieux de soins psychiatriques sont désormais truffés de caméras de surveillance et de chambres d’isolement, des grillages ont été disposés, des protocoles de neutralisation physique des patients ont vu le jour, les préfets empêchent les levées d’internements caducs.

Un projet de loi propose aujourd’hui un cadre juridique à cette dérive sécuritaire. Adopté le 26 janvier 2011 en Conseil des Ministres, il sera discuté au Parlement le 15 mars après un simulacre de concertation.
- Dans un vocabulaire relevant du code pénal, il cautionne la défiance à l’égard de citoyens souffrants.
- Dans ce dispositif, seul le trouble à l’ordre public est pris en compte.
- Il instaure un changement paradigmatique sans précédent : l’institution des « soins » sans consentement en ambulatoire.
En effet, le projet de loi n’identifie plus seulement l'hospitalisation comme contraignante, mais les soins eux-mêmes, à l’hôpital comme à l’extérieur, avec le risque majeur de la mise en place d’une surveillance sociale planifiée.
Ainsi, pour répondre à l’inquiétude légitime des patients et de leurs familles, ce projet de loi, sous couvert de déstigmatisation, va instituer une logique de dérive sécuritaire induisant un contrôle inédit de la population. Il s’appuie sur un principe de précaution inapproprié.

La mystification est totale : Il ne s’agit pas d’un projet de soins, mais d’un engrenage portant atteinte aux libertés fondamentales dans un état démocratique. Prétendant améliorer « l’accès aux soins » et leur « continuité », ce projet propose uniquement un accès à la contrainte sans limite de durée. Il détourne la fonction des soignants vers une orientation de dénonciation, de rétention, de « soins » sous contraintes et de surveillance.
Il impose aux patients d’accepter des « soins » stéréotypés, protocolisés, identiques pour tous. Ils seront sous surveillance, associée à un contrôle de leur dignité : ainsi se met en place une police de l’intime. Il instaure un fichier national, « un casier psychiatrique ? », de toute personne ayant été soumise ne serait-ce qu’une seule fois aux soins sans consentement.
Il institue un mensonge en laissant penser que seuls les médicaments psychotropes administrés sous contrainte suffisent à soigner les patients gravement atteints : enfermés chez eux, malgré eux.
Une partie des citoyens a été désignée à la vindicte médiatique. Le mot schizophrène, jeté à tort et à travers, en bafouant le secret médical, n’est plus un diagnostic mais une menace, qui accable les malades et leurs familles, effraie jusqu’à leur voisinage. Penser que ce projet de loi va améliorer cette situation est une déraison d'État.
Bien plus, il risque de s’opposer frontalement à toute réforme sanitaire digne de ce nom, qui aurait pour principes élémentaires de reposer sur une fonction d’accueil, une logique ouverte et déségrégative, des thérapeutiques diversifiées, centrées sur le lien relationnel et la confiance, dans la durée.
Ce projet va à l’encontre d’une politique de soins psychiatriques respectueuse des libertés, offrant une hospitalité pour la folie au cœur du lien social, qui allierait sécurité publique et soins à la personne.
Il institue la défiance envers les professionnels dans une démarche politique analogue à celle appliquée récemment aux magistrats et à la Justice, comme à d’autres professions.
- Nous voulons que les budgets subventionnent des soins et non des aménagements carcéraux, la formation des personnels, des effectifs conséquents, pour une conception humaine de l’accueil de la souffrance.
- Nous rejetons les réponses démagogiques qui amplifient délibérément l’émotion suscitée par des faits-divers dramatiques. Ces réponses ne font qu’accroître et entretenir la peur de l’autre.
- Nous voulons résister, nous opposer, avec une élaboration citoyenne de propositions pour une politique de soins psychiatriques au plus proche des réalités de terrain. La psychiatrie est l’affaire de tous.

Nous soignants, patients, familles, citoyens appelons au retrait immédiat de ce projet de loi. Signer la pétition

Source : Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire

jeudi 10 février 2011

Pour Philippe Isnard, la laïcité n'est qu'un escabeau

Philippe Isnard est un professeur de l'enseignement public suspendu pour avoir forcé ses élèves à visionner une vidéo anti-avortement qualifiée de choquante et malhonnête par ceux qui se la sont farcie. Il est en outre accusé de tenir à ses élèves, depuis plusieurs années, un discours anti-avortement, anti-contraception et même de leur soutenir que la capote, encourageant la dépravation, augmenterait le risque d'être contaminé par le SIDA. Bien loin de nier, il se réjouit ouvertement de la publicité qui lui a été faite, se vantant de mettre à profit les loisirs que lui donne cette sanction pour répandre sa venimeuse parole sur le net.

De fait, une recherche sur plusieurs moteurs donnait cet automne des résultats d'à peu près un tiers de soutiens, un tiers d'indignation et le nom étant très porté, un tiers de sites sans lien avec l'affaire. Aujourd'hui, on ne trouve plus que le site prochoix (et, en cherchant bien, deux autres) pour protester contre les agissements de ce moyen-âgeux individu. Il reste toujours un tiers de sites autour d'homonymes (éleveur de chiens, expert-comptable), le reste ayant été phagocyté par les sites cathos défendant le "courageux" professeur, "injustement accusé", ou lui donnant directement la parole.

J'ai peur.

lundi 7 février 2011

Siva en instance d'expulsion

Mobilisation de soutien

Ce soir, quelques heures seulement après avoir appris l'arrestation de Siva, nous étions entre trente et quarante à nous être rassemblé's devant la préfecture pour le soutenir et demander à ce qu'il soit libéré et régularisé.
Une délégation de RESF a été reçue par le cabinet du préfet et a pu expliquer longuement de quels procédés malhonnêtes et de quelles calomnies Siva avait été victime depuis le printemps dernier. Nous ne savons pas encore comment le préfet accueillera ces renseignements.

Voici le message diffusé par le Comité de soutien à Siva Sankaran (signez la pétition) :
Après sa libération par le TGI de Meaux, Siva doit être régularisé !
Nous apprenons, via le site de l'Est républicain que Siva vient à nouveau d'être interpellé !
Nous dénonçons cet acharnement de la part de la préfecture du Doubs, qui, en dépit des changements de personnel à sa tête, continue dans sa politique de rejet et de victimisation des étrangers.
Nous appelons tous ceux qui le peuvent à un rassemblement urgent ce soir, 7 février 2011, à 17h00 devant la préfecture du Doubs, rue Charles Nodier à Besançon. (Ce rassemblement est reconduit chaque jour à 17h30, tant que Siva sera menacé d'expulsion. ndb)
Pour ceux qui ne sont pas sur place, nous appelons à exiger la libération et la régularisation de Siva par écrit :

  • Préfet : prefet@doubs.pref.gouv.fr
  • Secrétaire général : pierre.clavreuil@doubs.pref.gouv.fr
  • Réglementation Doubs : jean-pierre.lesenechal@doubs.pref.gouv.fr
  • Directrice bureau étrangers : dominique.jon@doubs.pref.gouv.fr
  • fax : 03 81 83 21 82
  • téléphone : 03 81 25 10 00 (standard, demander le bureau des étrangers ou le cabinet du préfet).

Si vous manquez d'inspiration, voici un exemple de courriel :
A l'attention de Monsieur le Préfet
Monsieur le Préfet,
je vous écris aujourd'hui à propos d'une personne que je ne puis nommer, car son nom est peut-être un mot-clef qui empêcherait ce mail de vous parvenir ; toutefois, je suis certain' que vous saurez de qui je veux parler.
Par simple bon sens, Monsieur le Préfet, il faut maintenant permettre à S*** de faire profiter la société de ses compétences d'informaticien, au lieu de dépenser des dizaines de milliers d'euros pour une expulsion absurde.
Et surtout, par humanité, au lieu de tenter de perpétrer un acte aussi honteux qu'une expulsion de force, il faut lui donner la possibilité de vivre enfin en paix parmi nous, dans son pays.
Citoyennement,
xx signature xx

Situation actuelle de Siva

Entretemps, Siva a été transféré au CRA de Vincennes. RESF nous informe que :
Les copains du réseau parisien, ceux qui nous avaient donné un coup de main en juin, vont nous aider à nouveau pour les relations avec le CRA de Vincennes (l'association présente sur place est l'ASSFAM, qui verra normalement Siva demain) et pour trouver un avocat capable de le défendre avec conviction (pas un commis d'office à qui on ne communique le nom de son "client" qu'une heure avant l'audience !).
Siva doit passer devant le JLD (juge des libertés et de la détention) sous 48h après son arrivée au CRA. Ce sera donc probablement pour mercredi (à moins que la préf ait déjà programmé son expulsion par avion immédiatement, ça, évidemment, on ne le sait pas...). Ce juge se prononce sur le maintien ou non en rétention (régularité procédure arrestation, garde à vue, placement en rétention...).
Nous avons donc peu de temps pour réunir de quoi payer un avocat. En juin, ça avait bien marché, donc on peut recommencer une souscription dès la manif de demain : tout le monde pense à prendre des billets ou un chèque...
D'autant plus que Siva a une amende de 1000 euros avec sursis susceptible de lui tomber dessus, pour "entrave à une mesure d'éloignement du territoire". Ils ne reculent devant aucun euphémisme...

La préfecture

On peut lire sur le site de Radio Plein Air un communiqué de presse de la préfecture dans lequel Noëlle relève au moins deux contre-vérités :
- Le TA de Besançon n'a jamais pu valider l'OQTF (obligation à quitter le territoire français) du 25 mars 2010, puisque cette OQTF n'a jamais fait l'objet d'un recours devant le Tribunal Administratif (Siva n'avait pas reçu le courrier de la préfecture qui lui notifiait cette OQTF, et n'avait donc rien contesté devant la juridiction administrative).
- Il n'a pas été "interpellé après contrôle d'identité", puisque il a été emmené au commissariat par la BAC qui a simplement demandé à Siva de monter dans la voiture pour aller au commissariat... Comme ils ont fait cela à plusieurs reprises ces derniers temps, et qu'ils étaient plutôt goguenards, Siva n'avait aucune raison de se méfier particulièrement.

L'article assassin

Je m'associe pleinement au dégoût exprimé dans la lettre ci-dessous, relatant les faits, ou plutôt les méfaits de Monsieur Édouard Choulet, et se passant par là même de commentaire :

Monsieur Édouard Choulet, collaborateur de la "Presse bisontine",
Un soir dans un bar, vous avez, quelle aubaine, rencontré ce pittoresque vendeur de roses indien menacé d'expulsion et recherché par la police, le fameux et sympathique Siva dont on ne parlait plus guère depuis quelques mois.
N'écoutant probablement que votre conscience professionnelle, ou bien était-ce sous l'emprise de l'alcool, vous lui avez purement et simplement soutiré des informations sur sa vie de clandestin, puisque vous n'avez pas jugé utile de l'avertir que vous alliez publier un papier le concernant, ni même de l'informer de votre qualité de journaliste, ce que vous prétendez probablement être.
Le résultat fut un papier qui a stupéfié tous ceux qui défendent Siva et Siva lui-même : un article de délateur, fournissant à la police jusqu'aux horaires détaillés de ses déplacements, et une provocation évidente à arrêter à nouveau Siva lancée en direction de la préfecture.
Aujourd'hui, 24 h après l'arrestation de Siva, vous savez, monsieur, que votre stupidité - comment dire autrement ?- peut faire beaucoup de mal. Le préfet s'est bel et bien senti nargué et la publication de votre "travail" a joué, nous le savons de source bien informée, un rôle certain dans la prise de décision de l'arrêter.
A l'heure où je vous écris, le pittoresque et sympathique Siva dort ou cherche le sommeil dans une cellule du Centre de Rétention de Vincennes, paria parmi les parias. Quoiqu'il lui arrive dans les jours qui viennent, on peut le dire, il aurait beaucoup mieux fait de ne pas vous rencontrer.
Avec dégoût,
Fabrice Riceputi

Siva de nouveau victime du racisme d'état

L'OQTF de Siva courant jusqu'en mars, la préfecture n'allait pas la laisser expirer sans lui créer de nouveaux ennuis. Il a de nouveau été interpellé et doit être en ce moment enfermé dans ce qu'on nomme pudiquement un "centre de rétention". N'en sachant pas plus pour le moment, je peux au moins vous dire que je me trouverai devant la préfecture ce soir à 17h.

jeudi 3 février 2011

Qui a peur d’un monde arabe démocratique ?

Lu sur l'excellent blog franco-égyptien de snony :

Qui a peur d’un monde arabe démocratique ?

La révolution tunisienne est une formidable aventure pour un peuple qui a connu tant d’années de plomb. Elle soulève d’immenses espoirs partout dans le monde et on peut dire qu’il y a consensus sur le fait qu’elle aura des effets.

Mais des nuances très nettes apparaissent dans les analyses produites par les responsables politiques et les médias. De l’espoir de changement au « danger de la contamination » (le Parisien) il y a quand même un saut sémantique important. Quant aux réactions de nos diplomaties occidentales, et plus particulièrement celles de la France, elles ont été tellement caricaturales que le premier impact de ces événements aura été la révélation au grand jour de leur logique.

A ce titre, la chaussure et les quelques œufs qui sont tombés sur Michèle Alliot-Marie vendredi dernier à Gaza montrent le peu d’illusions qu’entretiennent les palestiniens sur les objectifs de notre politique étrangère (même s’il semble que le point de départ de cette manifestation de colère fut une méprise sur les propos de MAM concernant le soldat Gilad Shalit, comme se sont appliqués à le répéter nos médias). Le jet de chaussure sur les « grands » de ce monde, depuis celui du journaliste irakien Montazer al-Zaïdi il y a exactement deux ans est un message d’une grande clarté : puissances coloniales (même pas néo) go home, partez, en tunisien « dégagez ! »

Quel est l’axe de cette politique étrangère occidentale qui est ainsi visé par la gazma des peuples arabes ? C’est un dogme que l’on entend répété dans toutes les ambassades de France du monde arabe et qui a permis un virage à 180° autour de la charnière qu’est la situation en Palestine. De soutien d’un peuple opprimé, nous sommes passés au soutien de ses oppresseurs en un nombre d’années somme toute assez restreint, compte tenu du grand écart diplomatique que cela représente. L’argument tout trouvé en est l’islamisme et le cortège de représentations associées : terrorisme, droits des femmes, sharia, obscurantisme… Il a servi à justifier le soutien à Ben Ali pendant deux décennies, et il est le fondement du soutien à Mubarak et à tous les régimes « forts » de la région.

Le sort du peuple égyptien, la misère obscène qui règne ici, la pratique de la torture, de la censure, les élections truquées, l’augmentation exponentielle des inégalités sociales ne provoquent – au pire- que des « virgules » dans les déclarations de nos diplomates. « Mais de quel droit », disait Alaa al-Asswani fin octobre dernier, lors d’une conférence au CFCC, « les diplomaties occidentales peuvent-elles décider à la place des citoyens égyptiens, que la dictature vaut mieux que les « Frères » ? En regardant droit dans les yeux l’ambassadeur de France présent dans la salle, et en évoquant les arguments empêtrés « aussi clairs que du javanais » que celui-ci lui avait opposé, Alaa ne laissait aucun doute planer. L’objectif de ce discours est de perpétrer un ordre établi en Égypte et ailleurs.

Alors nul ne sait comment les événements vont se dérouler en Égypte dans les jours qui viennent et la manifestation de mardi sera un test décisif. Marie Girod en rappelle les enjeux dans un papier sur Mondialisation.ca, en précisant la complexité de ce qu’on englobe dans « l’islamisme « . Il est clair que si ces « dangers de radicalisation » ont une réalité, tout le monde en convient, celle-ci s’aggrave au fur et à mesure où perdure une loi d’urgence qui transforme chaque jour en « martyrs » les militants de la confrérie, et suscite mécaniquement de nouvelles carrières.

Il est clair aussi que la diplomatie française va devoir rapidement moduler sa rhétorique. YGQ dans son dernier papier sur Culture et politique arabes, explique « qu’une bonne partie des populations arabes partage désormais la conviction que les « démocraties occidentales », au regard de leurs pratiques, apparaissent de plus en plus comme les parfaits contre-exemples des valeurs qu’elles affirment incarner ».

Si les peuples arabes se mettent à inventer une démocratie dont les pratiques soient en accord avec les valeurs, le monde occidental devra rendre des comptes de l’instrumentalisation de cette dernière qui lui sert de fond de commerce, à l’extérieur comme à l’intérieur. Pour ne prendre qu’un seul exemple, la vague sécuritaire qui s’abat sur la France* depuis quelques années pour faire taire les aspirations de son propre peuple, pourrait apparaître pour ce qu’elle est : une violation incessante et grandissante, justement, des pratiques et des valeurs de la démocratie.

* 42 lois sécuritaires depuis 2002 comme le rappelle le site OWNI

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