L'enragé'

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Tag - livres

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dimanche 21 novembre 2010

Empêchement

Voici un mois que je n'ai rien écrit. Depuis que quelqu'un qui se prétendait mon ami m'a agressé' pour la deuxième fois et m'a terrorisé'. Je lutte pour sortir de ce silence, de cette confusion qui plonge mes mots dans un brouillard mortifère. Comme je ne veux parler de rien d'autre, et que je ne veux pas décrire ici, de la manière qui s'imposerait à moi, ce que j'ai vécu, je vais vous parler des livres de Marie-France Hirigoyen.

En manière d'introduction, je vous recopie ce que, m'interrogeant sur le titre que j'ai choisi pour ce billet, j'ai trouvé dans le Robert historique de la langue française.

EMPÊCHER v.tr. est issu (v. 1120, empeschier), comme sa variante ampagier (XIIIe s.) du bas latin impedicare prendre au piège, entraver, dérivé de pedica piège pour prendre les animaux par la patte, lui-même dérivé de pes, pedis (pied).
Le verbe a d'abord eu le sens repris du latin de mettre (qqn) dans l'impossibilité d'agir, entraver et s'empêcher (v. 1160-1174) s'empêtrer, s'entraver, acception qu'il conserve jusqu'au XVIIe siècle. Il signifie parallèlement mettre obstacle à ce qu'une chose ait lieu (1297), toujours en usage, alors que l'expression empêcher le chemin barrer la route (XIVe s.) a disparu. Au XIIIe s. apparaît l'emploi aujourd'hui courant du verbe suivi d'un infinitif : empêcher (qqn) de (faire qqch.) puis, au début du XVIe s., empêcher que (1534), ordinairement suivi de ne et du subjonctif. De là les locutions il n'empêche que, n'empêche que et familièrement n'empêche.
Empêcher qqn a signifié le gêner moralement (1415) et l'occuper (1538). La forme pronominale s'empêcher réapparaît à la fin du XVIe s. (1580, s'empêcher de) avec le sens de s'abstenir, se dispenser de, qui a fait place à celui de se retenir de. EMPÊCHÉ, ÉE adj. a eu des emplois variés, liés à l'idée d'entrave. L'adjectif a signifié accablé (1283), encore au XVIIe s., et être empêché de embarrassé (XIVe s.) s'est maintenu jusqu'au XIXe siècle. ...

Marie-France Hirigoyen a écrit Le Harcèlement Moral : la violence perverse au quotidien, un livre indispensable, un précieux secours qu'elle a décliné en Malaise dans le travail, harcèlement moral : déméler le vrai du faux et Femmes sous emprise, les ressorts de la violence dans le couple.
Vous en lisez un, dans lequel ce qui vous semblait spécifique à votre cas, ce que vous aviez admis comme découlant d'une situation particulière, de la personnalité de votre tourmenteur' ou encore ce que vous aviez, hélas, attribué à vos propres défauts et insuffisances, est minutieusement décrit par quelqu'un qui ne vous a jamais vu'.
Vous comprenez enfin qu'il ne vous a jamais appartenu de mettre fin à cette situation par un comportement plus conciliant, mais que le plus souvent, seule la fuite pouvait vous délivrer.
Vous réalisez aussi que vous n'êtes pas resté' à subir ça par stupidité mais que cette issue vous avait été barrée par la mise en place d'une emprise psychique, véritable lavage de cerveau dont les techniques dignes d'une secte sont maîtrisées avec une effrayante subtilité par nombre de personnes aux dehors anodins.
Et là, vous êtes en colère.

Mais pour salutaire qu'elle soit, cette colère ne suffit pas à vous sortir du puits dans lequel on vous a jeté'. Une fois tiré' des griffes du sinistre individu, la peur persiste. Impressionné' par ce qu'il a été capable de vous faire accepter, vous continuez à lui prêter des pouvoirs surnaturels et à le redouter au-delà de toute raison. De ça aussi, on guérit, quoiqu'avec une douloureuse lenteur.
Ce n'est pas encore fini.

Une fois dressé' à être une bonne victime, vous devenez une proie de choix pour tous les pervers narcissiques dont vous croiserez la route. C'est là qu'intervient ma récente mésaventure. Or les techniques mises en oeuvre dans l'emprise psychique, outre qu'elles vous paralysent de terreur, sont destinées à vous empêcher de penser et de vous exprimer. D'où ce silence.

lundi 5 octobre 2009

Asiles

Qu'est-ce qu'un' malade mental' ? Quelqu'un' qui promène ses pieds trop lourds dans votre quartier en marmottant tout' seul' ? Ce type aux immenses yeux doux qui vous tend une invitation pour rencontrer Notre Seigneur mercredi autour d'une tisane ?

Les psys ont dû bondir quand Goffman a proposé sa définition du malade mental : quelqu'un' qui s'est laissé' happer par l'engrenage d'un hôpital psychiatrique. Voilà où est la différence : ellui est dedans, vous, dehors. Sain' d'esprit ? Tou's les fous et folles disent ça. Qui c'était avant ne changera rien à l'air d'être fou qu'ille aura quand vous le ou la croiserez. Son odeur d'hôpital, la chimie lourde qu'on lui fourgue, les maniaqueries que la routine du service lui aura inculquées, plus sûrement.

Mais non voyons, je plaisantais. Les fous sont fous, c'est bien connu. D'ailleurs ce Goffman...

vendredi 2 octobre 2009

La disparition

Je ne vous ferai pas le coup du moi aussi je peux le faire : parler de La disparition sous contrainte lipogrammatique, c'est faisable, mais d'abord ce serait beaucoup de boulot, et surtout là n'est pas l'intérêt. Ne retenir de ce roman que la contrainte, c'est aussi injuste que si on disait (avec admiration certes) : Victor Hugo, quel poète ! Il a écrit des centaines de pages tout en alexandrins. C'est même plus injuste, parce que dans ces centaines de pages, il doit s'en trouver qui n'ont guère plus de mérite, alors qu'aucune de ce bouquin ne se limite à la performance tant vantée.

Ce qui me plaisait dans les romans d'Agatha Christie, c'était de pouvoir enquêter tout en lisant l'enquête ; ce qui m'agaçait, c'est que souvent l'auteur ne se gênait pas pour nous priver jusqu'à à la fin d'éléments indispensables. Dans La disparition, on peut chercher tout à son aise : l'intrigue policière autorise quelques pronostics, mais surtout chaque passage contient des allusions, symboles ou phrases à double sens, signalées par des indices et parfaitement transparentes aussitôt que repérées.

Par exemple on apprend qu'Anton Voyl a fait installer sur son auto un dispositif anti-vol. On se prend à prononcer anti-voyl, à comprendre anti-voyelle. Indice ou pure spéculation ? quelques lignes plus loin, le flic se fâche : pourquoi donc a-t-il fait installer (Perec insiste) un dispositif anti-vol sur son auto ? Il y a pourtant cinq ou six trucs qu'on croyait avoir compris... Ce cinq ou six comme le nombre de voyelles ne peut manquer d'attirer l'attention, et soudain le doute n'est plus permis : pourquoi, demande le flic, se prémunir non contre une, mais contre cinq ou six, toutes les voyelles (ou toutes sauf une) qu'on (l'auteur) a pourtant comprises, c'est à dire incluses, dans le roman ?

Trouver des allusions comme cet anti-vol, se les entendre confirmer par de magistraux passages à double sens, découvrir que le mot bourdon possède (au moins) dix sens différents, voilà de quoi pimenter la lecture de ce qui constitue par ailleurs un roman policier tout à fait honnête, et même haut en couleurs puisque celles-ci poursuivent le lecteur' à travers tout le texte grâce aux correspondances établies par "Vocalisations", le sonnet bien connu. Un régal. Bref : lisez-le, vous le relirez.

dimanche 10 mai 2009

Arsène Lupin, toujours aussi jeune ?

Voici quelques années que le héros de mon enfance a refait surface dans ma vie. Quel délice de retrouver, en filigrane d'une lecture toujours aussi rafraîchissante, le souvenir de ma première rencontre avec l'aventurier au brio sans pareil ! Cette relecture fut suivie de plusieurs autres, tant on ne se lasse pas d'habiter ces pages qui sont parmi les plus populaires de tous les temps. Jusqu'au jour où, découragée par l'épaisseur interminable du Seigneur des anneaux, je proposai à mon fils de lui faire lecture de cette œuvre à tous points de vue plus légère.
Le début fut difficile : l'emboîtement des récits, les dialogues où le locuteur n'est pas toujours désigné, le contexte vieillot jusqu'à l'exotisme désorientèrent quelques peu mon jeune auditeur. Mais très vite Lupin prit le pas sur ces difficultés, comme sur toutes celles qu'il rencontre dans ses aventures. Maître dans l'art de s'attirer les sympathies, celle de Gabriel lui fut bien vite acquise. Nous pûmes alors rire aux éclats de la confusion de Ganimard, reçu en homme du monde par son prisonnier de la Santé, subjugué par les ruses si simples devant lui dévoilées, désarmé par la gentillesse avec laquelle lui est rendue sa propre montre.

Arsène Lupin

Quelques semaines plus tard, alors que Gabriel me questionnait anxieusement sur les autres aventures de son cambrioleur préféré, nous trouvâmes dans une brocante, peu avant que la pluie ne nous trouve, toute une pile de celles-ci dont j'ignorais jusqu'à l'existence. La dame qui s'en séparait nous les céda pour trois fois rien et deux sourires ravis, heureuse de savoir que ses bouquins seraient de nouveau lus et chéris. Et nous voilà dévorants, qui ensemble, qui chacun le sien, les palpitants volumes qu'un heureux hasard nous avait procurés.
Mais si Gabriel lui voue une adoration sans réserve, une ombre se glisse maintenant entre le merveilleux gentleman et moi. Outre que certaines pages furent l'objet de soins insuffisants de la part de l'auteur, qui laisse çà et là des lourdeurs, voire des répétitions, l'œuvre de Maurice Leblanc est plus datée qu'il n'y paraît à première vue. On y trouve des propos sur les femmes qu'il me déplaît de lire, et plus encore de faire entendre à mon fils sans quelque commentaire -qui l'agace terriblement et ne le convainc pas- un patriotisme qui fleure bon la naphtaline, et surtout, omniprésent, un culte absolu voué à la classe dominante, une glorification de tous ses attributs qui devient peu à peu insupportable à la lectrice la plus enthousiaste.
Si l'attitude d'Arsène Lupin face à la vie, qui est de tout oser, de tout vouloir sans jamais se laisser arrêter par la crainte, est encore celle qui peut lui attirer un légitime attrait, si son refus que la propriété privée permette aux plus riches d'accaparer presque tout est un exemple qu'il faut continuer à s'approprier, pourquoi tout le mérite du brillant cambrioleur, sa légitimité même à s'emparer des richesses, devrait-elle émaner de ses origines nobles et de son aisance de gentleman ? L'homme du peuple dépeint par l'auteur, pourquoi devrait-il toujours être la brute crapuleuse, l'assassin sans scrupules ? Arsène Lupin est toujours aussi séduisant, mais comme le sont les détenteurs du pouvoir, les membres de la grande bourgeoisie qui bénéficient, encore, scandaleusement, de l'admiration de tous.

vendredi 6 février 2009

Un bras dedans, un bras dehors

Remettre son genre en question, se tra-ves-tir -articulez vous êtes une folle- devient banal. Subversion, où ça ? Simple follitude, répond le regard indifférent des passants. Ce n'est pas si simple, bien sûr, mais vous étiqueter suffit à éviter de chercher plus loin.
Remettre le genre d'autrui en question, voilà en revanche qui a de quoi déstabiliser. Élisa Pratt, quand elle reçoit la visite de ce Philippe Dumont portant jupon, scrute en vain ses traits asiatiques et finit par conclure que le spécialiste en dégâts des eaux, à l'insu de tous, expertise travesti. Très vite, on la détrompe : c'est madame Yo, la collègue de Philippe Dumont, qui s'est rendue chez elle. Mais la lettre est déjà partie. Cette lettre où elle lui dit son admiration, où elle l'assure de sa compréhension et de son soutien, Philippe Dumont ne pourra pas l'ignorer.
Tandis que l'humidité s'infiltre à travers les plafonds d'Élisa, s'étend en une tache de plus en plus voyante, s'installe comme chez elle sur des surfaces auparavant unies, Philippe qui voudrait s'assurer de son identité masculine en découvre peu à peu l'inconsistance.
Emmanuelle Peslerbe a touché juste avec ce roman en forme de correspondance manquée, où le lecteur est seul à recevoir la plupart des lettres, seul témoin de deux solitudes qui se répondent. Drôle et décalé, il nous pose des questions que l'on ne pourra plus ignorer.

jeudi 22 janvier 2009

Sylvie et Bruno

Lewis Carroll se considérait comme un auteur pour enfants, et d'une certaine façon il l'est. Mais Alice a été adapté avec une niaiserie furieuse, au point de faire passer l'œuvre de Carroll pour de mignons petits contes sans portée. Jetez Georges Sand, calez vos meubles avec la comtesse de Ségur, mais surtout, surtout, lisez Carroll.
Si Alice est un livre important, Sylvie et Bruno, mon préféré, est un livre magique. Charmés et déroutés par les jeux subtils auquel l'auteur livre le langage, (il fait quelque chose au langage, vraiment) nous sommes entraînés dans le sillage de deux jeunes fées, qui passent avec une gracieuse légèreté du sérieux au rire, de l'imaginaire au réel. La chance de voyager en leur compagnie, nous la devons à un vieil homme plein de fantaisie sous ses dehors de gentleman distingué, et à l'exquise Lady Murielle, toujours prête à discuter des conséquences d'hypothèses farfelues. Mais chut ! Voilà Sylvie...

Le crocodile

La porte s'ouvrit et le professeur regarda dehors. « Quels sont ces pleurs que je viens d'entendre ? demanda-t-il. Est-ce un animal humain ?
- C'est un petit garçon, dit Sylvie.
- Je crains que vous ne l'ayez taquiné ?
- Non, vraiment je n'ai rien fait, dit Sylvie très sérieusement. Je ne le taquine jamais.
- Bon, je vais demander à l'autre professeur. » Il rentra dans le bureau, et nous l'entendîmes chuchoter : « Petit animal humain... dit qu'elle ne l'a pas taquiné... l'espèce est appelée garçon...
- Demandez-lui quel garçon, dit une autre voix. Le professeur ressortit.
- Qui est ce garçon que vous n'avez pas taquiné ? »
(...)
« Vous voulez des prisquenlits, monsieur le monsieur ?
- Bruno ! murmura Sylvie d'un ton de reproche. Tu ne dois pas dire monsieur et le monsieur en même temps. Rappelle-toi ce que je t'ai dit !
- Tu as dit qu'il fallait dire le monsieur quand je parlais de lui, et monsieur quand je parlais à lui !
- Oui, mais pas les deux à la fois, voyons.
- Et si justement, mademoiselle la chicrâneuse ! s'exclama Bruno triomphalement, je voulais parler de ce gentremanne, et avec ce gentremanne, alors 'videmment j'ai dit "monsieur le monsieur" ! »

lundi 12 janvier 2009

La pornographie de l'âme

Les cadavres de la morgue, les folles de Charcot, voilà qui passionne Mayeul Magnus. De beaux sujets pour ses compositions. Cœurs sensibles, s'abstenir. Le tableau est calculé, millimétré, le sujet froid ou refroidi, tandis que sous la robe de l'appareil Mayeul bouillonne de frénésie photographique. Dans une mise en scène macabre et sensuelle qui en choquera plus d'un, Valérie Tordjman nous propose un portrait fascinant :

Toute la semaine, je photographie les cadavres de la morgue confiés aux soins de Lequeu avant que les gardiens n'exposent, derrière une vitre, ces inconnus à la reconnaissance de leurs proches. Avant que des hordes de gamins friands de poitrines dénudées, d'ouvriers cassant la croûte, de rentiers désœuvrés, de femmes du monde parfumées et de petites grisettes en mal de frissons ne me les disputent. Car le public s'ébruite ici comme au spectacle : il pleure, bat des mains et commente sans gêne ; hommes, femmes, tous se rincent l'œil, certains même se branlottent, excités par la proximité de la mort : leur désinvolture gâche la tendresse que j'éprouve pour ces corps sans nom. Je le sais, ils n'appartiennent à personne pourtant ils me parlent.

Rares sont les jours où je quitte mon travail, mais le dimanche, d'impatience face à ces indécentes histoires d'amour nouées sous mes yeux, je fuis la pointe de l'île de la Cité et la rue d'Enghien, où j'habite un sixième étage peuplé de domestiques, de petites blanchisseuses et de filles. Loin du ronronnement des machines frigorifiques, du ruissellement des eaux teintées de sang, je m'en vais flâner au Bois ou canoter. Tout plutôt que d'affronter la cohorte des badauds irrévérencieux préférant à la foule bigarrée des grands boulevards le spectacle gratuit des dépouilles - pendus noircis, surinés aux chairs béantes, noyés bouffis aux yeux vitreux repêchés dans la Seine, bras et jambes sans corps, corps sans tête - qui font les choux gras des gazettes à sensation.

Je reviens à mes morts la gîte au corps avec une impression irréelle de naufrage. Je suis jaloux de leur exposition, des morgueurs qui les lavent à grande eau, du frottement des balais sur leur peau et leurs os, bizarrement, des dalles, aussi, qui ne gardent aucune empreinte de leur passage ; et des visiteurs, oui. D'eux, je déteste les lèvres qui baisent le châssis vitré, les mains sales qui le touchent, les fronts qui s'y écrasent dès que j'ai le dos tourné. En fin de compte, je n'aime pas non plus mes sorties dominicales.

lundi 5 janvier 2009

Transmetropolitan

250px-Transmetropolitan_2.jpgCe réjouissant connard de Spider Jerusalem braque son flingue à saucisses journalistique sur les magouilles d'un monde pourri jusqu'à l'os. S'il se came à mort pour pondre des articles dérangeants et se fait la voix de ceux que l'on appelle la nouvelle racaille, est-ce par amour de la vérité comme il le prétend ? Ou pour le plaisir d'être tabassé par les flics, poursuivi par des tueurs, détesté par tous comme le soutient son éditeur ? Spider évolue dans un univers écœurant mais haut en couleurs, foisonnant de détails géniaux. Rien que pour ça, ce comics est vraiment sympa. Mais si je l'aime autant, c'est surtout parce qu'il sait me réconcilier avec un autre monde, tout aussi dégueulasse et sublime : le nôtre.

jeudi 1 janvier 2009

L'histoire de Ronald, le clown de McDonald's

Rodrigo Garcia est un enragé aux mots comme des sourires de loup. Ce mec parle comme personne de notre écœurement de consommateurs réticents mais blasés. Vache, tendre et plein d'humour, il dit combien nous sommes petits et crasseux à nos propres yeux, il raconte comment nous faisons pour avaler ça. Le bouquin n'a plus cessé de se promener sur le dessus de mes piles de bordel depuis que je l'ai ouvert, voici bientôt un an. J'en lis des passages à mes amis la nuit. Je songe sérieusement à apprendre mes préférés par cœur pour les fois où je ne l'ai pas sur moi. Mon enthousiasme immodéré suffisait, mais je trouve que le thème est approprié pour débuter la rubrique Livres de ce blog. Partageons ça :

Je ne sais pas ce qui est le plus dérangé chez moi : la tête ou l'estomac. À cause des choses qui me passent par la tête, je dis : tu as la tête plus dérangée que personne. Et à cause des pets que je largue, je me dis : personne ne peut avoir l'estomac dérangé à ce point. Mais non. Je sais que j'ai la tête plus dérangée que l'estomac parce que n'importe laquelle de mes pensées est infiniment plus insupportable que le moindre de mes pets. Je largue un pet, je le sens et je dis : c'est supportable. Mais j'analyse une de mes pensées et je dis : ça non, personne ne peut le supporter. N'importe laquelle de mes pensées est plus dégoûtante que le pire des pets que tu puisses larguer sous la couette. Ces pets qui en hiver servent à réchauffer le lit. Qui réchauffent le lit bien mieux qu'une cheminée !

L'histoire de Ronald, le clown de McDonald's suivi de J'ai acheté une pelle chez Ikéa pour creuser ma tombe est chez Les solitaires intempestifs : pour neuf euro vous avez en prime l'honneur de soutenir une chouette maison d'édition.