La question revient souvent. Je ne cherche pourtant pas à avoir une apparence masculine, seulement à ne pas avoir une apparence féminine. La croyance en une dualité naturelle des genres est telle que cela revient au même dans l'esprit de bien des gens.
De nombreuses femmes ne sont pas plus "féminines" que moi mais s'attirent moins de remarques. (Si j'accepte l'existence d'une notion d' "apparence féminine" univoque ici et maintenant, ce même qualificatif nécessite tout de même des guillemets quand il s'applique à une personne. Que serait "être féminine" sinon avoir une apparence -attitude comprise- "féminine" ?)
J'estime que cela tient pour une part au degré d'acceptation de propos sexistes, hétéro- ou phallocentrés ; je ne les tolère presque plus jamais, quitte à me faire qualifier de "féministe" (je n'aime pas ce mot, qui recouvre autant de sexisme que d'antisexisme). Mais ces remarques tiennent plus encore à l'usage questionné que je fais de mon prénom féminin.
Est-ce à dire que me renommer comme je le fais : "Adrien' " ou "Adrien ou Adrienne", est un acte de travestissement ? Cette réaction peut s'interpréter trivialement comme un amalgame entre des notions très liées dans les représentations sociales. Mais aussi, comme l'aveu -par les forces mêmes qui répriment les dépassements de genre- de la nature de vêtement social du nom, et du nom en tant que marqueur du genre.
Non, je ne suis pas travestie, je souhaite simplement être moi-même avant d'être "une gonzesse" dans le regard d'autrui. Rejeter cet habit de bagnarde est encore souvent perçu comme la volonté d'être un homme. Le droit d'exister en tant qu'individu est pourtant une aspiration légitime de tout être humain. Qu'on le refuse aux femmes ne me fait pas regretter d'en être une, mais le réclamer pour toutes.