Et voilà, rien qu'au titre vous vous attendez à ce que je me lâche et écrive des choses vraies que personne n'ose dire. Très bien. Allons-y, n'ayons pas peur des mots : je soutiens le politiquement correct.
Choqué.e.s ?

Je vous rassure tout de suite, vous allez avoir droit à une explication. Ce n'est pas une chose qu'on peut encore dire comme ça, sans exposer ses motifs. On n'est plus dans les années 80 maintenant, et je m'en voudrais d'opprimer les décomplexé.e.s par mon intolérance sans leur fournir au moins quelque argument à tourner en dérision.

Voici une petite histoire, une histoire vraie authentiquement vécue par mézigue comme il se doit. Durant la période noire que fut mon emploi à la librairie Siloë, je tenais le coup à l'aide de l'équivalent non chimique d'un traitement anti-dépresseur : les jeux en réseau. J'avais notamment une partie sur Ogame et j'étais membre d'une alliance, à savoir un groupe de joueurs qui nouent des liens généralement très superficiels sur un forum.

Dans le monde des jeux en réseau, certains thèmes attirent tout autant les filles que les garçons, d'autres non ; Ogame est un univers nettement masculin et j'étais la seule fille de mon alliance. Cela ne posait aucun problème jusqu'à ce que l'arrivée d'une autre fille amène ce commentaire : "Hé les gars, maintenant on a deux filles dans l'alliance, attention bientôt elles vont nous faire fermer le bar." (le bar était la section du forum destinée à l'abus d'émoticônes sur le thème de la boisson)

N'appréciant pas d'être rangée ainsi dans la catégorie "filles" et opposée aux garçons (donc à l'alliance toute entière), trouvant stupide de supposer que je voudrais faire fermer le bar dont j'étais l'un des piliers simplement parce que j'étais une fille, je protestai. La réponse fut bien pire. C'est alors que j'essayai de transposer ce que signifiaient pour moi ces préjugés dans un registre où leur poids apparaîtrait plus clairement. Cela donna : "Hé les gars, maintenant on a deux arabes dans notre immeuble, attention bientôt ils vont nous faucher nos vélos."

Je n'ai pas convaincu le type en question, mais cette phrase a été une découverte pour moi. Ainsi, un cliché grossier et insultant pouvait passer comme une lettre à la poste s'il était sexiste (j'avais failli ne pas relever) et révéler des abîmes de haine et de mépris s'il était raciste. Loin de moi l'idée de minimiser la gravité du racisme alors qu'il est, comme le sexisme, plus meurtrier que jamais. Mais la phrase raciste avait incontestablement moins de chances de passer inaperçue que la phrase sexiste, la première suscitant immédiatement chez moi une réaction "touche pas à mon pote".

Cette différence correspond en effet à des années de lutte contre les idées racistes, à travers la chasse aux petites phrases qui font tant de mal : le fameux "politiquement correct". Depuis cette découverte, je tente de le faire exister au sujet du sexisme et, face à l'absence de complexes très émulée de notre karscher national, de le faire survivre au sujet du racisme.

Après, il faut bien reconnaître qu'il n'y a rien de plus barbant que le politiquement correct. Aussi barbant que la Princesse de Clèves, sans doute.