Dans les romans, dans les films, toujours le même luxe ; les personnages principaux sont empreints des manières "nobles" de la classe dominante, bien vêtus, ils évoluent dans des endroits spacieux et confortables, ils se font servir. Tout cela contribue à l'agrément de l'histoire, je le sais. Je m'en souviens : il y a si peu de temps, cela ne m'irritait pas comme maintenant.

Cet air qu'on leur donne, de mériter tout le respect du monde par les avantages "naturels" que confère une éducation privilégiée, justifie aussi qu'ils se permettent toutes sortes d'abus de pouvoir. Ce qui est permis à Jupiter ne l'est pas aux vaches, se lamente Io, mais personne ne l'écoute.

Pourquoi nous autres pouilleux acceptons-nous, désirons-nous qu'il en soit ainsi ? Quel plaisir y a-t-il à contempler de belles choses confisquées au seul profit de seigneurs, à voir commettre d'insolentes injustices ?

J'ai encore à l'oreille le ton de vénération avec lequel une guide prononçait, suçant ce nom comme un bonbon dur : Nicolas Perrenot de Granvelle. Un grand homme, plein de goût et d'idées modernes, qui a bâti un palais. Tout seul ? Oh, presque, il en a eu l'idée. De tous les ouvriers qui ont sué pour satisfaire son caprice, pas un mot. Cette pouilleuse était sous le charme ; tout est fait pour qu'elle le soit.

Une rage me prend, une rage à dévaster des palais d'un coup d'épaule. Tant qu'on acceptera de vivre dans le luxe par procuration, tous les Nicolas Perrenot de Granvelle du monde auront beau jeu de se servir, avec l'élégance que l'on sait, la classe comme on dit si bien.

C'est un luxe que nous ne pouvons pas nous permettre.