Je suis allergique aux violons : mes yeux se remplissent tous seuls de larmes au moindre trémolo. A mon grand dam, j'ai pu constater que la plupart des films nous servent cette tarte à la crème. Qu'un enfant soit atteint d'une maladie incurable ou que le second rôle dise au revoir à son chien, confié pour une semaine aux voisins, ça ne rate pas : aux deux tiers du film, les violons.
A la maison j'en profite pour aller pisser, mais au cinéma ? Et quand j'ai pas envie ? Ma gorge se serre sans que je puisse l'empêcher. Si ça dure quelques minutes, je pleure et simultanément j'enrage. Je sens qu'on veut m'acheter, forcer mon adhésion par des moyens déloyaux ; et avec quelle efficacité cette volonté étrangère s'empare de mes glandes lacrymales !
Mon pire souvenir dans ce registre, le tombeau des lucioles, est l'histoire inepte d'un adolescent qui laisse sa petite sœur chérie mourir de faim sans raison particulière. Aujourd'hui je ne supporterais pas ça dix minutes, mais à l'époque je n'interrompais jamais un film. J'ai bien cru que ma gorge allait éclater, et je lui garde une rancune farouche qui rejaillit jusque sur ces innocentes bestioles.