L'enragé'

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mercredi 17 août 2011

Changer de sexe ? Si seulement...

J'ai toujours su que je ne voulais pas du genre féminin. Quand j'ai voulu faire plus que le repousser : le refuser, m'en débarrasser, j'ai d'abord essayé d'adopter le genre masculin. C'est ce qui viendrait à l'esprit de n'importe qui, non ? Mais j'ai rapidement compris que je ne voulais pas non plus des codes et des stéréotypes qui sont censés définir ce qu'est "un homme". Pas plus que de ceux qui représentent "une femme".

Quel choix me restait-il, alors ? Comment vivre, comment me présenter, quels codes donneraient aux gens le moyen de me voir tel' que je suis ? Petit à petit, deux constats me sont apparus.

Petit un : il n'y a pas de case pour moi. En tout, il n'y en a que deux, et peut-être, un peu, parfois, la possibilité de tracer une croix entre. Moi, je voudrais placer cette croix complètement ailleurs, dessiner une case en forme d'étoile ou de citron dans la marge du formulaire, sous la mention "moi, Spangle". Là, enfin, je pourrais la cocher.

Petit deux : d'autres gens éprouvent ça. Non seulement il y a des trans, mais les mots "intersexe", "intergenre", "gender blender", "gender fucker", "agenre", et bien d'autres, existent. Ce ne sont pas des mots de fiction, à propos d'hypothétiques habitant's de lointaines planètes, ce sont les mots que des gens ont forgés pour pouvoir se dire.

Des gens comme Leslie Feinberg qui me comprennent, n'ont pas de mal à penser qui je suis et savent où j'en suis, ce que je vis, ce que j'ai traversé pour en arriver là. Des gens qui disent tout ça exactement comme je veux le dire (mieux même parfois, avec plus d'idées, mais le plus important est d'entendre exprimer ce que je me sentais si seul' à vivre).

Ces gens se battent pour nous tou's. Iels parlent de nous, iels expliquent qui nous sommes aux straights, sympathisant's ou pas de la diversité des expressions de genre, et aux autres queers, avant que leurs différences ne soient prises dans une nouvelle "normalité" où nous n'aurions pas de place.

Iels clament notre existence à la face du monde, pour que celleux d'entre nous qui se croient seul's fassent la même découverte que moi, le plus vite possible. Quand j'essaie d'estimer le prix d'une seule année gagnée sur ce désert affreux, j'ai le vertige. C'est ce qui me pousse à vous écrire ce soir, en espérant que quelque part, la souffrance d'une personne face à la norme soit allégée par ces quelques mots.


***

Je voudrais faire une remarque sur les trans et le titre de ce billet. Il m'arrive de penser "Changer de sexe ? Si seulement c'était aussi simple !" Or, qu'il s'agisse de changer de sexe, de genre ou les deux, être trans n'a rien de simple dans notre belle société ouverte et égalitaire.

Rien que "l'étape" consistant à obtenir de nouveaux papiers d'identité demande actuellement de passer plusieurs années sous sa nouvelle apparence, avec son ancien état-civil, ce qui crée des situations gênantes, pénibles, voire insupportables. Traverser une salle d'attente en jupe et talons alors qu'on a appelé "Monsieur Machin". Se faire humilier voire refuser des soins par des médecins transphobes ou simplement incrédules.

Ou être incarcérée dans une prison pour hommes, puis mise à l'isolement, cette terrible punition, de manière permanente afin de ne pas (ou de ne plus) se faire violer par les autres détenus. Mais toujours sans garantie sur le comportement des gardiens.

La peur omniprésente de devoir montrer ses papiers, d'être appelé' par le mauvais prénom. Les insultes, les coups, les viols. Les clichés, les questions débiles et indiscrètes. Les discriminations dans la rue, au boulot, à l'hôpital, face à nos ami's les flics, dans sa propre famille.

Bref, je ne me permettrais pas de prétendre que la vie des trans est facile. Je veux seulement dire que ma situation est dépourvue de "case d'arrivée". Même une "case d'arrivée" avec traitement hormonal à vie, au bout d'un parcours aussi long et pénible, est pour moi un rêve inaccessible.

Je serai toujours cet funambule, je ne pourrai jamais souhaiter qu'on m'appelle plutôt "Monsieur" ou "Madame". Je n'aurai jamais que des arguments immatériels pour répondre aux nombreux rappels à l'ordre "Nan mais arrête avec ça, tu es une femme un point c'est tout." et je n'aurai toujours que ma volonté pour lutter contre l'ensevelissement de mon identité sous l'évidence imposée du genre.

mercredi 2 février 2011

Le minou, l'athlète et le gène SRY - Sur quoi repose la définition d'une identité ''femme'' ?

On le voit avec la controverse qui entoure la légitimité de certaines athlètes à concourir dans la catégorie que leur a pourtant fait attribuer une lecture dualiste de leur apparence physique : la féminité n'est pas si simple à établir qu'on l'entend souvent prétendre.
Est-on une femme quand on a l'air d'une femme, quand on a un minou, quand on a des chromosomes XX, ou seulement si ils ne portent pas le gène SRY ? Et ces questionnements lourds d'enjeux sportifs s'assortissent d'une série d'épineuses décisions. Doit-on accompagner chaque exclusion de la catégorie féminine, d'une rectification d'état-civil ? Mais alors, faut-il considérer que ces athlètes sont des hommes, en l'absence d'un organe qui a toujours été présenté comme l'indispensable support de la virilité ?
D'autres critères pour caractériser une femme se font jour avec ces problématiques : peut-être, après tout, est-on une femme quand la sage-femme s'est exclamé : "C'est une fille !". Ou quand l'officier d'état-civil a coché la case F sur son formulaire. Peut-être même, puisqu'on en est là, est-on une femme quand on se dit femme.
Dans ce cas, quid des tracasseries et des embûches gratuites dont est encore parsemé le parcours de changement d'état-civil des trans ? (J'écris trans pour souligner qu'illes ne sont pas toujours transsexuel's par choix, mais parfois simplement pour avoir des papiers qui ne leur imposent pas leur genre de naissance : transgenres ou agenres desquel's la loi française exige qu'illes subissent de la chirurgie lourde pour reconnaitre leur identité).
Ne se souciant pas réellement de cohérence, la normativité transphobe a encore de beaux jours devant elle.

vendredi 2 janvier 2009

Petit lexique pour penser l'hétérosexisme

Voici quelques termes que j'ai éprouvé le besoin de définir pour moi et sur lesquels je vous propose de réfléchir, et d'autres qui sont trop peu connus et que je vous propose de découvrir :

  • Bi-, Homo-, Hétéro-, sexuel' : catégories officielles de l'orientation sexuelle. Le choix de distinguer non entre attirance pour les femmes ou pour les hommes, mais entre attirance pour les personnes de même sexe ou de sexe "opposé" est cohérent avec l'hétérosexisme, puisqu'il crée une catégorie pour l'orientation sexuelle privilégiée.
  • Constructionisme : perception du genre comme construction sociale (on encourage les filles à plaire, à se soucier d'autrui, etc, et les garçons à s'affirmer, à produire la meilleure performance, etc), illustrée par la célèbre phrase de Beauvoir : « On ne naît pas femme, on le devient. »
  • Essentialisme : naturalisation du genre (par nature, les femmes cherchent à plaire, les hommes à s'affirmer). Des recherches sont en cours pour localiser le gène de la vaisselle afin d'étayer ce point de vue aussi moderne que son plus ardent défenseur, l'Église.
  • Féminisme : prise de position en faveur des femmes en tant que groupe social opprimé. S'oppose le plus souvent au sexisme, mais peut aussi y participer.
  • French feminism : terme d'origine étasunienne désignant un féminisme essentialiste qui glorifie les attributs du genre féminin (douceur, passivité,...).
  • FtM : transsexuel né de sexe féminin.
  • Galanterie : comportement serviable envers les femmes, supposant de leur part l'absence d'autonomie (financière, motrice). Support du machisme.
  • Genre : ensemble de comportements, de goûts, d'aptitudes, etc, couramment associés au sexe d'une personne, attendus et suscités chez elle par la société. On parle parfois de sexe social.
  • De genre fluide : personne qui ne performe de manière continue ni le genre couramment associé à son sexe, ni celui associé au sexe "opposé".
  • Hétérosexisme : représentations hégémoniques ne laissant place qu'à une orientation sexuelle, l'hétérosexualité, et qu'à un type de performance de genre, celle associée au sexe de la personne. Englobant essentialisme, sexisme et homophobie, l'hétérosexisme est courant même chez les personnes se décrivant comme non sexistes et non homophobes.
  • Homophobie : attitude, pensée s'opposant aux droits des personnes homosexuelles. En particulier : violences interpersonnelles physiques ou verbales, violences institutionnelles législatives ou symboliques exercées contre les homosexuel's.
  • LGBT : Lesbiennes, Gays, Bisexuel's, Transsexuel's et -souvent- Transgenres.
  • Machisme : attitude, pensée sexiste qui hiérarchise les sexes et leur associe des rôles spécifiques, soutenue par un ensemble d'attitudes "agréables" envers les femmes. (galanterie)
  • Misandrie : aversion, mépris pour les hommes. Vise parfois le genre masculin mais non les hommes s'éloignant des stéréotypes de genre.
  • Misogynie : aversion, mépris pour les femmes. Vise parfois le genre féminin mais non les femmes s'éloignant des stéréotypes de genre.
  • MtF : transsexuelle née de sexe masculin.
  • Monosexuel' : pourrait désigner ensemble les homosexuel's et les hétérosexuel's en tant qu'illes excluent a priori la moitié de l'humanité du champ de leurs partenaires sexuel's potentiel's (Freud qualifie l'hétérosexualité et l'homosexualité de restrictions de choix d'objet). Une pareille remise en question de l'hégémonie de l'hétérosexualité n'étant pas à l'ordre du jour, l'usage de ce terme n'est pas recensé actuellement et on le suppose extrêmement confidentiel.
  • Orientation sexuelle : le fait d'être homosexuel', hétérosexuel' ou bisexuel'.
  • Phallocratie :

1. Principe de domination masculine basé sur la symbolique du sexe masculin, proposé comme phallus universel.

2. Aspect sexuel de la domination masculine. Ce qui contribue dans la société à favoriser l'exploitation sexuelle des femmes par les hommes, notamment l'exclusivité du coït comme pratique sexuelle allant de soi.

  • Sexisme :

1. Préjugés sur la moitié de l'humanité, perçue comme un groupe homogène voire comme une entité unique (la Femme). Le sexisme est sans cesse réaffirmé par des phrases comme "Tous/toutes les mêmes."

2. Regard porté sur une personne, l'identifiant à son sexe puis lui appliquant les préjugés en vigueur. Ceux-ci se substituent au besoin de connaître l'autre, à tout questionnement sur lui et ainsi à sa reconnaissance comme individu.

3. L'ensemble des avantages conférés aux hommes sur les femmes à partir de ces préjugés.

  • Transgenre : personne qui performe le genre couramment associé au sexe "opposé" ou (improprement) personne de genre fluide.
  • Transsexuel' : personne qui a changé ou est en train de changer de sexe.
maj le 12 septembre 2010